lundi 27 juillet 2009

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UNIVERSITE DE CLERMONT I

FACULTE DE PHARMACIE

THESE

DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN PHARMACIE

Présentée et soutenue publiquement le 25 septembre 1998

Par

LEVY Christophe

Né le 08 novembre 1973

(Le Blanc-Mesnil)

LES PHARMACIENS ET LA PREMIERE GUERRE MONDIALE :

PARTICIPATION AUX TRAVAUX D’HYGIENE ET PROPHYLAXIE

JURY

Président : Mme LIVRELLI Valérie – Maître de conférences – UFR Pharmacie de Clermont Fd

Membres : M. FIALIP Joseph – Professeur – UFR Pharmacie de Clermont -Fd

M. LAVERAN Henri – Professeur –UFR Médecine de Clermont- Fd

Suppléants : M. JOLY Bernard – Professeur – UFR Pharmacie de Clermont - Fd

Mme PAPON-SOURIS M-H., Pharmacien – 63400 Chamalières

INTRODUCTION

1914 – L’Europe centrale est une vraie poudrière, suite aux volontés d’indépendance des minorités serbes d’Autriche Hongrie. Celle-ci va réellement exploser lors de l’assassinat de l’archiduc François Ferdinand.

Le jeu des alliances va alors déboucher sur une guerre qui va se révéler être le premier conflit mondial.

Pour les instances dirigeantes de la France, ce sera une guerre de courte durée (au plus quelques semaines…) et pour les soldats mobilisés elle sera « fraîche et joyeuse ».

Du haut en bas de l’échelle, tout le monde était convaincu de la supériorité incontestable de la France.

Ce fut la raison pour laquelle le conflit ne fut pas préparé méthodiquement sur tous les points. C’est ainsi que dans ce climat de toute puissance un domaine fut tout particulièrement négligé : le domaine pharmaceutique.

En effet, cette guerre excluait tout naturellement les grands préparatifs de l’arrière et les stocks existants aussi bien en médicaments qu’en matériel médical semblaient amplement suffisants.

Les approvisionnements constitués pour 3 mois, furent épuisés en 15 jours…

Devant cette désorganisation manifeste et devant les dégâts provoqués par les premières grandes offensives, la direction du service de santé au Ministère de la Guerre se rendit rapidement compte de son erreur.

Un besoin de réforme s’imposait. Cette réforme intégra alors à part entière un corps de métier quelque peu négligé, celui des pharmaciens….

I – Organisation et fonctionnement des principaux établissements pharmaceutiques

A) – Le Début du conflit

A cette époque, n’existaient sur le territoire que 3 formations sanitaires assurant les stocks militaires

- la pharmacie centrale des armées (PCA) située à Paris

- la réserve de médicaments de Marseille

- la pharmacie régionale de Limoges.

1 - La pharmacie centrale des armées (PCA)

Celle-ci avait pour mission de fabriquer, acheter, et analyser les médicaments réactifs de toutes sortes, de réapprovisionner la pharmacie régionale de Limoges et la plus grande partie des hôpitaux militaires. Les « réserves de guerre » étaient constamment maintenues au complet et prêtes à toute utilisation éventuelle. Il était bien sûr interdit de s’en servir en usage courant et tous prélèvements devaient être compensés par des entrées préalables.

Le pharmacien responsable devait constamment tenir à jour un « carnet de visite des médicaments et du matériel de pharmacie des réserves de guerre », ces visites étant régulièrement effectuées (tous les 6 mois) par un médecin militaire. Les médicaments volatiles ou altérables (ex. : chloroforme) faisaient l’objet de surveillance particulière (bouchonnage des flacons …)

En 1914, les effectifs du personnel de la PCA étaient relativement peu importants. Ils comportaient 45 personnes :

5 pharmaciens

1 officier d’administration

2 gradés et soldats

37 civils (27 hommes et 10 femmes ouvrières et employées)

A cela s’ajoutait une catégorie de personnel particulière : celle des enfants embauchés.

Ces effectifs augmentèrent ensuite durant toute la durée de la guerre.

Document 1

Il en est de même pour la production en médicaments et en matériel, la PCA ne produisant en 1943 qu’en quantités peu importantes.

Document 2

2 – La réserve de médicaments de Marseille

Celle-ci fabriquait, achetait et réapprovisionnait les hôpitaux militaires des régions de corps d’armées limitrophes, d’Algérie, Tunisie et Maroc.

3 - La pharmacie régionale de Limoges

Elle était chargée du réapprovisionnement du 12ème corps d’armée.

4 - Hôpitaux militaires

Ceux-ci étaient installés au chef-lieu du corps d’armées. Après leur réapprovisionnement par les formations précédentes, ils alimentaient ensuite les établissements militaires des corps de troupes.

B) Evolution de ces établissements et de leurs personnels au cours des années de guerre.

1) D’un début de restructuration

A l’origine, ces différentes formations sanitaires étaient installées étroitement, dans des conditions et avec un stock incompatibles avec un conflit de longue durée.

Un besoin urgent d’augmenter le nombre d’organisations existantes et d’en accroître leurs productions se fait ressentir au fur et à mesure que les combats duraient et que les stocks diminuaient.

Cette restructuration commença par la création de 2 pharmacies centrales : une à Nantes (fin septembre 1914) et une à Bordeaux (fin octobre 1914). Ces 2 établissements durent être équipés et approvisionnés entièrement au cours de la guerre.

Puis 10 pharmacies régionales furent également ouvertes : 5 pour les régions dépourvues d’hôpitaux militaires (Vernon, Boulogne, Tours, Orléans, Le Mans) et 5 autres (Troyes, Chaumont, Chalons, Besançon, Dijon) pour renforcer les hôpitaux militaires des 6ème, 7ème, 8ème 20ème et 21ème régions. Ces pharmacies régionales devaient réapprovisionner les hôpitaux temporaires, les infirmeries régimentaires et vétérinaires et s’occupaient également de l’analyse des denrées alimentaires des dépôts. Mais devant l’amplification des besoins, un changement plus important devait être effectué.

De plus, outre les demandes croissantes de la pharmacie humaine, il fallait également pourvoir à la pharmacie vétérinaire qui demandait une part non négligeable de médicaments. En effet, tous les médicaments vétérinaires à l’exception de certaines substances en vente dans les drogueries et épiceries (café, benzine, eau de javel…) figuraient sur la nomenclature du service de santé et sur le formulaire pharmaceutique des hôpitaux militaires.

2) Vers un changement plus en profondeur.

Le service pharmaceutique fut complètement réorganisé et cela déboucha sur la création d’un sous-secrétariat d’état du service de santé au Ministère de la Guerre en avril 1915. Il fut confié à Monsieur Justin GODART, avocat de métier et secondé par le médecin inspecteur Simonin.

Comme il a été dit précédemment, les formations sanitaires n’étaient ni installées dans les conditions adéquates ni dotées d’un personnel suffisant. Le sous-secrétariat d’état veilla alors à ce que des modifications aient lieu.

a) la PCA

Celle-ci fut organisée et il lui fut adjoint des annexes ayant chacune une mission particulière. Aucun pansement ni bande plâtrée n’étaient préparés avant la guerre. Le conflit entraîna alors la production annuelle de 1.503.000 pansements et 36.000 bandes plâtrées. Cette production fut confiée à l’école de pharmacie où des laboratoires de contrôle furent également installés.

Vins, champagne, corps gras, sérums et vaccins furent stockés à la halle aux vins.

Aux magasins généraux de Saint-Denis furent entreposées les cuves d’alcool à 95° et d’alcool dénaturé. Le fort de Montrouge stocka 30.000 à 40.000 kilogrammes d’éther et matières inflammables. Quant au marché couvert, il fut chargé des désinfections, formol et autres eaux oxygénés.

La production de la PCA fut considérable pendant les 4 années de guerre (cf. document 2). Le nombre d’employés augmenta lui aussi. Pour ne parler que des pharmaciens, leur nombre passa de 5 sur 45 personnes en 1914, à 22 sur 245 en 1918 (cf. document 1)

b) La réserve de Marseille

Il en est de même pour elle, les magasins s’étendant rapidement sur toute la ville.

c) Les établissements annexes

D’autres magasins furent créés sur le territoire, chacun ayant une fonction particulière (exemple : literies et vêtements d’hôpital à Châteauroux, réfection des tentes à Vanves…)

Les stations-magasins qui ne comportaient au début qu’un pharmacien ayant à disposition 500 kilogrammes de médicaments et matériels divers furent augmentées en nombre (il y en eut entre 14 et 24). Elles étaient chargées de l’apprivoisement des armées ou des formations sanitaires de l’intérieur ou encore, pour celle de Toulon, du réapprovisionnement des corps expéditionnaires des armées d’Orient. Elles furent dotées de 4 à 5 pharmaciens officiers qui expédièrent quotidiennement plusieurs tonnes de matériel et médicaments.

Des pharmacies secondaires furent créées par le service pharmaceutique des réserves sanitaires de matériel. Elles furent placées dans les gares régulatrices (gares qui distribuaient les blessés sur les villes en fonction des possibilités d’hébergement et des spécialités chirurgicales (viscérale, ophtalmologie…)

Ces pharmacies se réapprovisionnaient à la station magasin et devaient ensuite pourvoir à leur tour aux besoins des formations sanitaires, hôpitaux d’évacuation (HOE), ambulances, laboratoires, sacs régimentaires, postes de secours.

d) Ateliers des thermomètres médicaux

Un autre problème qui existait, était celui des thermomètres médicaux. Avant la guerre, leur production était exclusivement allemande bien qu’à l’origine ce fut une invention française (l’état français n’ayant fait aucun effort pour l’exploiter). Il existait certes des modèles britanniques ou américains mais ceux-ci n’étaient produits qu’en quantité minime et étaient d’un emploi peu pratique.

La France commença alors par acheter tous les stocks disponibles sur le territoire (ils furent rapidement épuisés) puis se tourna vers la Suisse, la Grande-Bretagne et les U.S.A..

Mais comme il vient d’être dit, ceux-ci étaient d’une part peu pratiques, mais également d’une qualité moyenne et onéreux (la PCA eut parfois à en éliminer comme inacceptables jusqu’à 80% des lots). C’est à partir de ce moment que ce problème préoccupa le service de santé.

Le sous-secrétaire d’état, Justin Godart chargea alors le pharmacien principal Pellerin (attaché au sous-secrétariat) de mener une étude en vue de la création d’un atelier de thermomètres médicaux. De plus rien au point de vue technique ne pouvait s’opposer à sa création. L’organisation de l’atelier lui-même revint au pharmacien major Trimbach. Il le fit construire dans un bastion du fort de Vanves.

Cet atelier fut rapidement un atelier moderne, bien outillé et doté d’un matériel adapté. Il fut organisé en septembre 1916. Au début l’atelier utilisa des prisonniers allemands comme main-d’œuvre. Tous ces prisonniers étaient des spécialistes de la fabrication des thermomètres. Des ouvriers (ouvrières) français (ses) furent également embauchés et formés à ce travail (cela permettait en plus d’avoir un personnel de qualité pour l’après-guerre).

Pour protéger cette industrie de la concurrence étrangère, la loi du 14 août 1918 rendit obligatoire la vérification préalable à la vente de tout thermomètre médical et le décret du 3 mars 1919 fixa les conditions de cette vérification par les laboratoires d’essais du conservatoire national des arts et métiers. Cet atelier servit ultérieurement comme centre de formation professionnelle. Beaucoup de nouveaux ateliers, dirigés par d’ancien élèves virent également le jour.

Voici donc quelques exemples des grandes modifications qui se produisirent dans l’organisation et le fonctionnement des établissements pharmaceutiques. Il est bien sûr impossible de faire une liste exhaustive de tous ces changements tant les besoins de réformes étaient importants.

II – Le changement de conception du rôle du pharmacien durant le conflit.

Bien que scientifique de formation, le pharmacien, à l’entrée en guerre, était considéré uniquement comme un préparateur de médicaments et un administrateur de tisanes.

Ainsi, la direction du service de santé était-elle hésitante quant à l’utilité que pouvait avoir le corps pharmaceutique par ses connaissances dans ce combat, qui plus est, ne durerait que quelques semaines. Cette même direction considérait également que trop de pharmaciens avaient été mobilisés et qu’ils ne seraient pas employés dans leur fonction (beaucoup d’entre eux se retrouvèrent effectivement lors des premières offensives dans des équipes de brancardiers ou dans des ambulances pratiquant des anesthésies à l’éther…).

Un rapport émanant d’un pharmacien militaire (pharmacien major Paul Bruère) lors 11ème congrès international de pharmacie de mars 1914 (c’est-à-dire quelques mois avant la déclaration de guerre franco-allemande du 3 août), soulevait déjà le problème : « il est fort regrettable que le rôle effacé du pharmacien militaire laisse trop souvent dans l’ombre les services rendus ; ceux-ci restent ignorés non seulement du grand public et des parlementaires, mais aussi fréquemment du commandement qui se prive, à son insu, d’un concours technique précieux ».

En 1915 un nombre important de pharmaciens n’étaient toujours ni pourvus de grades ni utilisés selon leurs compétences. Cette conception de la direction du service de santé engendrait de nombreuses aberrations qui à l’époque ne semblaient pas beaucoup émouvoir le gouvernement. Par exemple, un règlement militaire précisait que tout hôpital dont le nombre de lits était inférieur à 100 ne nécessitait pas la présence d’un pharmacien. Autre cas : aux gares régulatrices, la gestion des stocks de médicaments était assurée le plus souvent par un officier d’administration qui faisait office de gestionnaire et de pharmacien !

Là encore, ce fut la création du sous-secrétariat d’état du service de santé qui permit de réorganiser la 7ème sous-direction (dont dépendait le service de santé) et de la tirer de l’ornière administrative où elle s’était enlisée.

Ainsi, les 2318 pharmaciens (126 du cadre actif et 2193 du cadre auxiliaire) que comprenait le corps de santé au début du conflit (contre 10 490 médecins) purent alors réellement (mais progressivement car il existait toujours des « résistances ») occuper les nombreuses places qui existaient et ce aussi bien à l’arrière qu’au front (les postes comportant des responsabilités militaires étant toujours occupés par des médecins d’active…)

Mais pour parvenir à une réforme en profondeur, il fallait surtout assurer une coopération plus étroite entre tous les membres de ce service de santé, et utiliser ses membres en fonctions de leurs compétences en non plus seulement en fonction de leurs grades.

Justin Godart et son sous-secrétariat oeuvra alors, quitte à heurter les traditions, à mettre en pratique cette coopération. Il décida de rompre avec le principe de grades et fit signer le décret dit « des compétences ». Celui-ci conférait en dehors de toute hiérarchie militaire, le grade suffisant et nécessaire à l’exercice de la fonction.

Le grade de pharmacien auxiliaire fut rétabli et un grand nombre furent nommés officiers, recevant alors des affectations en rapport avec leurs aptitudes techniques.

Ces pharmaciens auxiliaires étaient placés sous l’autorité du chef de corps et du médecin chef de service. Leurs rôles étaient variés : approvisionnement et réapprovisionnement des infirmeries (en médicaments, matériel de pharmacie, pansements et instruments de chirurgie), exécution des prescriptions médicamenteuses et surveillance de leur administration, analyses demandées par les médecins.

Ces pharmaciens auxiliaires secondèrent également le médecin-chef dans les opérations relevant de l’hygiène alimentaire, les prélèvements chimiques et bactériologiques des eaux de boisson ainsi que leur purification.

Un peu partout dans les rouages du service de santé, des pharmaciens étaient placés à des postes à responsabilité.

Les stations magasins furent enfin dotées de 4 à 5 pharmaciens officiers. Il fut également décidé de placer des pharmaciens dans les hôpitaux temporaires, les régiments, les ambulances chirurgicales (pharmaciens chimistes et bactériologistes), les laboratoires de toxicologie….

Une commission composée de pharmaciens et de médecins fut créée afin de réglementer l’usage des substances vénéneuses.

Même au niveau du commandement, il fut décidé que les pharmaciens devaient avoir un rôle. Ainsi dans chaque corps d’armée, fut associé au directeur du service de santé un directeur-adjoint pharmacien (souvent des professeurs agrégés des facultés de pharmacie). Ceux-ci étaient convoqués chaque mois au ministère de la guerre afin de rendre compte du fonctionnement du service de santé région par région.

Au niveau du service de santé, la pharmacie était rattachée à la deuxième division technique. Son chef de service était un pharmacien assisté de trois collaborateurs. L’un avait pour tâche le ravitaillement des armées sur les fronts de bataille, en médicaments et tout autre matériel dont ils avaient besoin. Un deuxième avait la même tâche mais pour les formations de l’intérieur. Le troisième, lui, assurait aux deux précédents les moyens d’accomplir leurs missions. Il était en rapport avec les établissements pharmaceutiques producteurs et approvisionnaires et prescrivait les mesures nécessaires pour maintenir des stocks compatibles avec la demande.

Le chef de service faisait partie des diverses commissions techniques et s’assurait également de la bonne gestion des grandes pharmacies d’approvisionnement, stations-magasins, atelier des thermomètres, usines de récupération des pansements usagés et maques à gaz.

Les pharmaciens avaient donc ainsi une part entière au sein du service de santé. Restait par contre le problème des pharmaciens coloniaux.

D’une part il n’y avait que très peu de pharmaciens gradés dans les colonies et d’autres part les circulaires et les lois au sujet des pharmaciens n’étaient pas appliquées (certains d’entre eux étaient toujours employés comme infirmiers).

Les régiments de tirailleurs ne possédaient pas non plus de pharmaciens alors qu’on se trouvait en présence de milliers d’hommes.

Le pharmacien de l’hôpital colonial étant toujours pris par le service hospitalier et le laboratoire, ne pouvait pas faire les conférences nécessaires sur les gaz ou les exercices pratiques. Le pharmacien colonial était, on ne sait trop pour quelle raison, laissé à l’écart dans des conditions souvent rudes et sans trop d’espoir d’avancement.

En période de guerre, le nombre de malade représente une grande part des effectifs. En effet, on se retrouve face à d’énormes accumulations d’hommes, souvent dans des espaces restreints. Les risques de transmission de maladies sont alors augmentés.

Le problème majeur qui se posait était celui de l’hygiène, celui-ci entretenant la propagation des maladies infectieuses et ce, aussi bien dans les cantonnements de l’arrière qui sur le front.

De plus, l’insalubrité de certains lieux comme les tranchées ainsi que la durée des combats se déroulant en un même endroit ne faisaient qu’aggraver ces problèmes d’hygiène.

Justin Godart fit alors créer les équipes sanitaires qui intégrèrent de nombreux pharmaciens qui participèrent ainsi à l’élaboration et à la mise en place de règles d’hygiène et de prophylaxie.

On ne peut dresser une liste exhaustive de toutes les fonctions et rôles qu’eurent les pharmaciens il y a huit décennies (mais il est cependant impossible d’éluder le rôle indiscutable qu’ils eurent dans la lutte contre les gaz de combat), c’est pour cette raison que ce sont plus particulièrement leurs contributions dans le domaine sanitaire qui seront le plus évoquées ici.

III – Rappels des principales maladies sévissant chez les soldats.

A) Facteurs favorisants

Les guerres précédentes (Crimée, guerre des Balkans…) montrèrent que le nombre de malades a toujours dépassé celui des blessés. Durant cette guerre, le risque de développement de maladies contagieuses s’est vu amplifié du fait des importantes accumulations d’hommes.

La conséquence de cette concentration est que le nombre de malades s’est accru très rapidement, et avant même le début des véritables hostilités, les « pertes » prévues étaient estimées au quart ou au cinquième de l’effectif. Il existe donc des pathologies de guerre. Celles-ci peuvent s’expliquer par différentes causes :

- une des premières causes est la fatigue, le surmenage. L’organisme est affaibli par les longues marches forcées, les travaux de terrassement, l’insuffisance de repos. La fatigue passe rapidement à l’état chronique, ce qui diminue toute résistance à l’égard des infections. A cette fatigue physique s’ajoutent la fatigue morale et l’épuisement nerveux.

- L’alimentation va également jouer un rôle important. En effet, pendant le conflit, celle-ci était généralement défectueuse en qualité et en quantité. La conséquence de ceci était l’apparition de maladies de carence comme le béribéri et de maladies infectieuses comme les intoxications alimentaires.

- L’eau joue également un grand rôle en tant que véhicule de germes pathogènes comme ceux de la typhoïde, paratyphoïde, dysenterie, choléra…

- Aux maladies contractées directement venaient s’ajouter les affections résultant indirectement des plaies de guerre. C’est ainsi que le service de santé eut affaire à de nombreux cas de gangrène, tétanos et septicémie.

Le problème qui se posa au début du conflit est qu’en France, l’expérience des guerres balkaniques et des campagnes coloniales avait consacré la balle de fusil comme la reine des batailles et avait développé l’idée que les blessures par balle méritaient le plus souvent l’abstention opératoire. On se contentait d’un simple pansement et au besoin d’une immobilisation plâtrée !

Un autre facteur intervient dans la détermination du taux élevé de morbidité et mortalité : la nature du sol sur les lieux de combats. Les régions où se sont déroulés de violents affrontements voient leur sol jonché de cadavres en putréfaction qui sont source de contamination des eaux et pullulation de rats véhiculant avec eux de nombreux germes (choléra, peste…).

La durée des combats tient également un rôle. Dans les combats de courte durée, les épidémies n’ont en général pas le temps de se constituer ou de s’étendre. En revanche, un affrontement de longue durée est propice aux épidémies qui vont alors pouvoir s’étendre rapidement.

Il en est de mêle pour la guerre de siège. Mais ce sont les nombreuses défaillances d’hygiène qui sont une des principales causes de la propagation des infections contagieuses.

B) - Les maladies les plus souvent rencontrées.

1) la diphtérie

La diphtérie est une maladie qui se rencontre seulement chez l’homme. Elle est due à un bacille Gram positif qui se trouve essentiellement au niveau de l’oropharynx : corynebacterium diphteriae. Ce germe est extrêmement pathogène chez l’homme

Par la production d’une toxine diphtérique, il va provoquer une toxi-infection se manifestant par une angine pseudo-menbraneuse, la fausse membrane pouvant s’étendre jusqu’au pharynx. S’il y a atteinte du larynx, il s’agit alors d’un laryngite diphtérique (croup). Celle-ci est grave car elle est asphyxiante et peut de ce fait engendrer la mort. Des adénopathies satellites accompagnent cette maladie.

L’angine diphtérique est causée par la multiplication du germe dans le rhino-pharynx et par l’action nécrosante de la toxine produite. Il va y avoir alors destruction de l’épithélium ainsi qu’apparition d’une réaction inflammatoire fibrino-leucocytaire responsable des fausses membranes.

Si corynebacterium diphtériae ne passe pas dans la circulation sanguine, il n’en va pas de même pour sa toxine qui, elle, peut diffuser et gagner ainsi des viscères comme le rein, les surrénales, le foie, le système nerveux, le cœur, où elle va bloquer les synthèses protéiques des cellules.

Le diagnostic se faisait et se fait toujours par la mise en évidence du germe (recherche de B+ regroupés en amas ou lettres d’alphabet)

La diphtérie se transmet directement ou indirectement à partir des malades atteints de forme typique mais également à partir des formes frustres ou inapparents et des porteurs sains. Elle figurait de façon presque endémique dans le bilan sanitaire de certaines régions. Elle rayonnait dans les centres d’instruction et se diffusait un peu partout par les corps de troupes.

En raison de la forte concentration de jeunes soldats dans les premiers temps de la guerre, sa diffusion va se voir augmenter et nécessitera la mise en œuvre de moyens de protection accrus.

Une surveillance attentive était de mise chez les soldats arrivant de foyers suspects. Lorsqu’un cas était détecté, il y avait deux mesures impératives :

- renvoyer sur le front le plus vite possible le soldat atteint d’angine diphtérique (…).

- Obligation absolue de ne le remettre au contact des autres soldats qu’après traitement, en le gardant à l’hôpital de convalescence aussi longtemps qu’il est porteur de germes.

Le traitement était effectué par voie générale et locale.

Le traitement général se faisait par le sérum antidiphtérique de Roux (composition ?), souvent à haute dose. Mais celui-ci faisait bien disparaître les signes visibles de la maladie mais ne faisait pas disparaître tous les germes car il était plus antitoxique qu’antibactérien. Un traitement local fut alors élaboré à partir du sérum de Martin, sous forme de pastille et poudre qui étaient insufflées dans le pharynx et les fosses nasales.

Une fois constatée la présence de fuso-spirilles à la surface des ulcérations sous la fausse membrane, il fut mis au point une poudre contenant de l’arséno-benzol et des antiseptiques.

Pastilles Martin pulvérisées 50 gr

Arséno-benzol 0.90 gr

Camphre pulvérisé à l’éther 10 gr

Talc 25 gr

Acide borique

Ce traitement associé montra de très bon résultats.

De nos jours, une injection d’antitoxine est à réaliser dès que le diagnostic est suspecté ; cette sérothérapie donne une action immédiate mais de courte durée.

Pour assurer une immunité active et durable il faut vacciner par l’anatoxine. Afin de lutter contre les germes et de diminuer leur nombre au niveau des lésions, différents antibiotiques sont utilisés.

Les macrolides sont les antibiotiques de prédilection, B lactamines, amino-glycosides et tétracyclines sont également utilisables.

2) Dysenterie bacillaire

La dysenterie bacillaire est due à une entérobactérie, shygella dysenteriae. Il s’agit d’un B- immobile. C’est un pathogène spécifique du tube digestif humain. Ce germe se manifeste essentiellement lorsqu’il existe un défaut d’hygiène. Il est alors facile de comprendre pourquoi les soldats y furent confrontés. Sa transmission est oro-fécale. Elle est soit directe par l’intermédiaire des mains soit indirecte par ingestion d’aliments ou d’eau contaminés par des matières fécales (ce qui était souvent le cas à l’époque). Il peut exister également des porteurs sains.

Le germe va adhérer à la matière colique puis va pénétrer les cellules épithéliales où il va se multiplier. Il va alors se produire une inflammation importante avec des micro-abscès et des ulcérations. Cela va engendrer une diarrhée muco-purulente et sanglante. Cette action se fait par l’intermédiaire d’une vérotoxine entérotoxique et neurotoxique selon la quantité produite.

L’incubation est courte : après 24 heures apparaît un syndrome dysentérique avec glaires muco-sanglantes, épreintes et ténesmes. Puis vient un syndrome infectieux sévère avec trouble du SNC ; Une déshydratation existe dans les formes graves. Si la régression se fait normalement en quelques jours, la dysenterie peut être mortelle chez les personnes sous-alimentées (ce qui peut expliquer les cas de décès de certains soldats).

La dysenterie était traitée par le sérum anti-dysentérique de Vailard et Dopter (composition ?). Des traitements adjuvants comme des lavements au bleu de méthylène pouvaient être utilisés.

Des mesures de prophylaxie furent mises en place par les hygiénistes sur la lutte contre le péril fécal et le contrôle de l’hygiène alimentaire (toujours valables de nos jours).

Le traitement actuel se fait par antibiotiques en fonction de l’antibiogramme par sulfaridine, Bactrim, fluoro-quinolones et + B lactamines (sauf péri G et M) car il existe des cas de résistance.

3) - typhoïde et paratyphoïde.

Ces deux affections sont dues à une bactéries du genre salmonella (B-). C’est un pathogène spécifique.

La typhoïde est une forme septicémique. L’incubation va durer environ deux semaines. Puis la température va apparaître, augmenter, et s’accompagner de syndromes digestifs. La phase d’état va se caractériser par une septicémie lymphatique avec fièvre et état de tuphos. Des complications de type cardio-vasculaires (collapsus) et digestifs (hémorragiques, perforations peuvent apparaître ainsi que des anomalies de la formule sanguine).

Salmonella peut également donner des toxi-infections alimentaires, les souches étant de provenance humaine ou animale. La toxi-infection débute alors 8 heures après et se manifeste par des vomissements et des diarrhées. Ces symptômes cèdent en 1 à 5 jours.

Dans les typhoïdes, les bactéries vont traverser les entérocytes sans les abîmer. Les germes vont s’y multiplier et passer par la circulation (septicémie lymphatique). Il va y avoir libération d’endotoxine par lyse des bactéries, entraînant des lésions intestinales, hémorragies et perforations. Cette endotoxine va gagner les centres neurovégétatifs entraînant fièvre et tuphos.

Ces maladies sont contractées par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés par des excréments (contamination oro-fécale). Elles furent la cause d’importants cas de mobidité.

La fièvre typhoïde était extrêmement rare au cours des deux premiers mois de conflit. Elle commença à se manifester lors des grands mouvements de troupes, puis progressa sous forme d’épidémie du jour où il y eut enlisement du conflit, c’est à dire lorsque les soldats durent stationner dans un même lieu.

L’occupation dense et prolongée s’accompagnant de nombreuses souillures des eaux expliquait ces nombreuses contagions. Cette recrudescence de fièvre typhoïde donna un regain d’intérêt à l’étude des règles prophylactiques des maladies d’origine hydrique.

Cette morbidité des premiers mois était donc due à la défaillance des mesures de protection des eaux mais aussi au fait de l’impossibilité de vaccinations préventives en temps voulu au début du conflit et de l’impossibilité pratiquement absolue de vaccination des troupes en campagne. La conséquence de l’entrée en guerre d’une armée non-vaccinée fut que dans la période de septembre 1914 à mai 1915 on comptabilité 65.748 cas.

Grâce aux travaux des deux médecins Vincent et Chantemesse qui élaborèrent des vaccins (un chauffé et un à l’éther) l’ensemble des troupes put être vacciné en quelques mois. Ce fut surtout une décision politique sous l’impulsion du sénateur Léon Labbé qui fit voter la vaccination et revaccination obligatoire pour l’armée. Grâce à cette mesure, au cours de la dernière année de guerre et bien que les conditions d’hygiène dans les tranchées fussent déplorables. Il n’y eut que 615 cas avec une cinquantaine de décès. Cette vaccination, associée aux méthodes de protection sanitaire fut un excellent moyen de prophylaxie.

La fièvre typhoïde est une maladie à déclaration obligatoire depuis 1902.

Le traitement de l’époque reposait sur la balnéothérapie et l’or colloïdal. Le traitement par bains froids était considéré comme le meilleur moyen de juguler cette maladie par des actions anti-thermiques et toniques. L’or colloïdal était également utilisé pour son action sur la courbe thermique produisant une hypothermie plus importante et plus prolongée.

La prophylaxie actuelle se fait également par la surveillance stricte de l’hygiène et par un vaccin contenant trois sérotypes typhi, pevatyphi A et B. Le traitement le plus efficace se fait par le thiamphénicol, l’ampicilline, les céphalosporines 3ème génération, le cotrimoxazole et les fluoroquinolores.

4) – ictère spirochétosique

Cette affection est due à un leptospire et plus particulièrement leptospira interrogans. Les leptospires sont des bactéries spiralées fines terminées en crochet à leur extrémité et animées de mouvements en vrille ou en hélice. Après passage de la peau, il va y avoir dissémination par voie hématogène. Après environ 10 jours d’incubation vont apparaître, de la fièvre, des frissons et un syndrome méningé. Puis au cinquième jour, survient un ictère important qui durera une dizaine de jours. Une oligurie, protéinurie, albuminurie et azotémie élevées vont également signer une atteinte rénale. Après régression des symptômes, la maladie évolue favorablement mais celle-ci sera suivie d’une convalescence longue.

De rares décès peuvent survenir suite à une aggravation de l’hépatonéphrite. De même il peut exister des formes anichtériques.

Le réservoir naturel le plus important est constitué par les rongeurs parmi lesquels les rats prennent la place prédominante, mais on peut aussi la trouver chez les espèces domestiques.

Les rats faisant partie de la vie quotidienne des soldats (surtout dans les tranchées) il n’était donc pas rare d’être confronté à quelques cas. Les hommes se contaminaient soit directement par manipulation d’animaux infectés soit par des eaux souillées de déjections.

De plus ces bactéries ont la faculté de survivre longtemps dans le milieu extérieur (sol, eau, boue), la conséquence était donc, que, même le problème des rats écarté, les risques de contamination étaient toujours présents.

La prophylaxie de cette maladie (et qui devait également être valable à l’époque) est essentiellement constituée par des mesures d’hygiène (bottes, gants, dératisation, surveillance des eaux)

Le traitement actuel (traitement de l’époque ?) se fait par la pénicilline – G, tétracycline ou chloramphénicol à condition qu’il soit débuté suffisamment tôt c’est à dire avant la formation des lésions hépatiques et rénales.

5) – méningite cérébro-spinale

Cette maladie est causée par le méningocoque (neisseria meningitidis) qui est une bactérie pathogène spécifique strictement humaine. Elle se présente sous la forme de diplocoques Gram négatif. La porte d’entrée de ce germe est le rhino-pharynx. Chez certaines souches la présence de facteurs de virulence (capsule, protéines de membrane externe…) va permettre l’adhérence, la pénétration et la prolifération. Puis le méningocoque est disséminé par la circulation générale entraînant ainsi la contamination des méninges lors de la septicémie.

Si le passage sanguin passe souvent inaperçu, le syndrome méningé en revanche débute brutalement, se manifestant par de la fièvre, céphalées, vomissements, raideur de la nuque, aboutissant à la mort si un traitement n’est pas instauré.

La forme septicémique revêt également un caractère de gravité pouvant ainsi déboucher sur un décès : le choc endotoxinique. Celui-ci apparaît sous la forme d’un purpura fulminans (avec coagulation intravasculaire disséminée).

Ce choc endotoxinique est dû à l’élaboration d’une endotoxine.

La transmission du méningocoque se fait par voie aérienne. Sa localisation rhinopharyngée est plus fréquente que ses manifestations cliniques. C’est une affection que l’on trouve le plus souvent chez le sujet jeune en période hivernale et printanière. La réceptivité de l’hôte intervient ; ainsi un problème immunitaire ou encore le stress, la fatigue et la promiscuité peuvent être la cause du développement d’une méningite.

Ces conditions se trouvaient fréquemment réunies durant ce conflit engendrant quelques épidémies. Pour y palier, des mesures prophylactiques furent mises en place.

Celles-ci devaient porter sur :

- La cause spécifique et chercher à en enrayer la propagation

- Les causes favorisantes

La prophylaxie spécifique consistait à combattre tous les foyers d’infection et à les éteindre sur place. Ainsi à la moindre déclaration de cas de méningite, l’isolement du malade était de mise et ce tant qu’il hébergeait le méningocoque dans ses fosses nasales.

Les soldats « suspects » (compagnons de chambrée…) devaient également être séparés du reste de la troupe, jusqu’à ce que des examens bactériologiques confirment qu’ils n’étaient pas porteurs de germes.

Le traitement était réalisé par la désinfection du rhino-pharynx. Plusieurs produits furent utilisés à cette fin (nitrate d’argent sublimé, eau oxygénée, menthol, gaïacol, protargol, sozoïdol, pyocyanase) mais les résultats obtenus étaient plus qu’irréguliers.

Une méthode fut alors mise au point. Celle-ci se composait de tamponnement du pharynx et larynx par de l’ouate imbibée de styclérine iodée diluée au 30ème.

Iode 10 gr

Iodure de potassium 10 gr

Glycérine 300 gr

A cela s’ajoutaient des gargarismes à l’eau oxygénée 12 volumes diluée au 10ème avec de l’eau bouillie. Ce traitement était complété par des inhalations de 3 minutes, 4 ou 5 fois par jour, d’un mélange constitué de :

Iode 6 à 12 gr

Gaïacol 2 gr

Acide thymique 0.25 gr

Alcool à 60° 200 gr

Grâce à ce traitement, le méningocoque devait normalement disparaître en 4 ou 5 jours mais ce délai se révélait parfois beaucoup plus long.

Des essais de sérothérapie donnèrent de bons résultats à la condition que celle-ci soit utilisée le plus précocement possible.

La prophylaxie actuelle est constituée par l’antibiothérapie préventive chez les sujets jeunes ayant été en contact avec le malade, par de la rifampicine ou des macrolides. La vaccination par injection de fractions poly-saccharidiques de surfaces purifiées A et C est également utilisée.

Le traitement se fera par des ampicillines ou céphalosporines de 3ème génération (céfotaxime, ceftriaxone), molécules traversant la barrière méningée. Son efficacité sera fonction de sa précocité.

6) – la syphilis

Le germe responsable est treponema pallidum, bactérie hélicoïdale (6 à 12 spires) mobile. Sa transmission se fait lors de rapports sexuels et il n’existe pas de porteurs sains. L’incubation est d’environ 3 semaines. Puis au point d’inoculation apparaît une ulcération à base indurée et indolore : le chancre.

Dès l’incubation, les tréponèmes se disséminent par voie lymphatique et sanguine et vont entraîner le développement d’adénopathies satellites. Cette période de syphilis primaire dure 4 à 6 semaines. Le chancre va alors guérir spontanément.

Puis vient la phase de syphilis secondaire qui est une septicémie tréponémique. Elle se manifeste par des symptômes cutanés et muqueux à type de roséole syphilides, plaques muqueuses génitales, anales, buccales, tâches pigmentées, avec adénopathie et petit état infectieux. Cette phase peut s’étaler sur plusieurs mois ou années (jusqu’à deux ans), les symptômes régressent spontanément.

Vient ensuite la syphilis latente asymptomatique qui peut durer indéfiniment. Certaines personnes peuvent présenter 2 à 20 ans après le contage, une syphilis tertiaire grave, atteignant le système cardio-vasculaire (responsable alors d’aortites, d’anévrismes), le SNC (paralysies), la peau et les os. Elle aboutit à la mort.

L’Armée Française fut confrontée à de nombreux cas de syphilis. La lutte contre cette maladie commença dès 1915.

La prophylaxie se faisait essentiellement par le contrôle de la prostitution dans les zones ou séjournaient les troupes et par l’instruction des soldats. Le nombre de consultations fut également augmenté. Le traitement se faisait essentiellement par des préparations mercurielles (bi-iodure et benzoate). Le benzoate de mercure intraveineux et le mélange soufre-mercure colloïdal furent aussi employés.

Un deuxième traitement à disposition des médecins consistait en des préparations arsenicales et notamment le neo-arséno-benzol.

La prophylaxie actuelle se fait par le dépistage. Le traitement, lui, utilise la pénicilline-G ou les cyclines, érythomycine en cas d’allergie.

7) – la tuberculose

Celle-ci est provoquée par un germe pathogène spécifique strict de l’homme (pouvant également toucher certains animaux domestiques comme le chat, le chien etc…), mycobacterium tuberculosis. Il n’est normalement pas présent dans l’environnement.

Le mycobacterium est sensible aux agents physiques tels que la chaleur ou la lumière solaire. Il est en revanche résistant au froid et à la dessiccation, pouvant ainsi rester vivant plusieurs jours durant. Le Bacille de Koch se colore par la méthode de Ziehl Nielsen.

La tuberculose se transmet essentiellement par voie aérienne. Les bacilles sont ensuite phagocytés par les macrophages où ils se multiplient. Si les bacilles se multiplient de façon peu importante, on aura une primo-infection latente. C’est le cas lors de l’infection par un petit nombre de bactéries ou lorsque l’individu contaminé possède une forte immunité.

En revanche, si la multiplication est importante les ganglions efférents peuvent être envahis et il peut y avoir dissémination dans l’organisme par voie lymphatique et sanguine. On assistera alors à une extension des lésions nécrotiques pulmonaires avec visualisation radiologique des lésions. La primo-infection sera alors latente.

Deux évolutions sont ensuite possibles : dans le meilleur des cas la nécrose caséeuse va s’encapsuler et il y aura autostérilisation spontanée. Mais dans 10% des cas, ce caseum va se ramollir entraînant la formation d’une caverne où va s’effectuer une multiplication du germe. On est alors face à la maladie tuberculeuse. Cette tuberculose pulmonaire cavitaire est forme contagieuse.

En dehors de l’arbre respiratoire, le bacille peut avoir des localisations ganglionnaires, méningées, ostéo-articulaires et génito-urinaires.

L’homme est à la fois le réservoir et l’agent de transmission par l’intermédiaire du mucus.

Avant la guerre, la tuberculose posait déjà un problème de taille dans la population civile. La mobilisation, qui entraîna l’incorporation de pratiquement un sixième de la population, le transposa alors au sein de l’armée, la guerre ne faisant que l’amplifier par les rudes conditions de vie imposées aux hommes.

La prise en charge de ces nombreux cas de tuberculoses commença vraiment lors de la création du sous-secrétariat d’état avec la mise en place de véritables structures d’accueil comme les « hôpitaux sanitaires » ou sanatorium du service de santé.

Le traitement s’y faisait notamment par des cures de soleil, cures marines et utilisation antiseptiques à visées respiratoires.

La prophylaxie consistait essentiellement à isoler les hommes atteints du reste de la troupe. Actuellement, celle-ci est réalisé grâce à la vaccination par le BCG. Le traitement se fera par antibiothérapie avec association d’au moins deux antibiotiques pour éviter les phénomènes de résistance. Ce traitement se réalisera sur 6 à 9 mois selon le protocole :

- sur 6 mois : isoniazide, rifampicine, pyrazynamide et éthanbutol durant les deux mois de la phase initiale.

Puis isoniazide et rifampicine durant les 4 mois de continuation.

- sur 9 mois : isoniazide, rifampicine et éthanbutol en initial pendant 2 mois puis isoniazide et rifampicine pendant 7 mois de continuation.

8) – le typhus

Le typhus est dû à des bactéries intracellulaires appartenant à la famille des Rickettsies. Ces rickettsia sont fragiles et leur transmission nécessite un vecteur arthropode (puce, pou, tique…). Il s’agit essentiellement de :

- rickettsia prowazekii transmise par le pou du corps humain et responsable du typhus exanthématique.

- Rickettsia typhii transmise par la puce du rat.

Les signes cliniques de cette affection vont être :

- une fièvre à 40°-41° en plateau

- une éruption maculeuse plus ou moins importante à partir du 5ème jour.

- un état d’agitation, délire, torpeur, hébétement, ce qui signe un syndrome typhique.

R typhii sera responsable d’une forme moins grave. Les Rickettsies, après inoculation, vont gagner le sang puis les cellules endothéliales des petits vaisseaux qui vont alors augmenter de volume. Des thromboses vont apparaître (suite à la sécrétion des facteurs pro coagulants) et boucher les vaisseaux. Des lésions apparaissent en grand nombre dans la peau, le SNC, le myocarde.

Le typhus exanthématique est une maladie survenant par épidémie. Son réservoir est l’homme, le vecteur, le pou. Celui-ci faisant souvent partie de la vie quotidienne du soldat, les grands regroupements d’hommes furent à l’origine de quelques cas. Les plus nombreux étant apparus lors des combats en Orient. La contagion était soit directe, d’un soldat à un autre, soit indirecte par l’intermédiaire de la literie ou des vêtements. Tout malade suspect ou atteint était isolé des autres, et subissait l’épouillage dans les postes du même nom. Cette mesure constituait la première partie de la prophylaxie.

Une deuxième consistait en la désinfection et désinsectisation des vêtements et literie. (cf. rôle des équipes sanitaires).

Le traitement utilisait de l’or ou de l’argent colloïdal. L’argent colloïdal ou électrargol était employé en injections sous-cutanés ou intraveineuses. Elles présentèrent plus une action anti-toxi-infectieuse qu’une action anti-thermique (celle-ci étant inconstante).

Les injections intraveineuses de collobiases d’or avaient un effet plus marqué sur l’hyperthermie mais entraînaient des réactions violentes (se manifestant par une ascension thermique importante, suivie de sueurs abondantes) et des effets secondaires comme des érythèmes, tachycardie. Elles présentaient également une bonne action anti-toxi-infectieuse.

Ces deux médicaments étaient employés sans que les médecins en connaissent le mode d’action réel.

Actuellement, le typhus se traite par antibiothérapie au moyen de chloramphénicol ou de cyclines.

9) – le choléra

Cette affection est due au vibrion cholérique ou vibrio-cholerae. Ce sont les bacilles Gram- en forme de virgule, très mobiles. C’est un aérobie anaérobie facultatif. Le vibrio possède des enzymes extracellulaires qui vont favoriser le passage des bactéries dans le revêtement muqueux des entérocytes ainsi que leur fixation à la bordure en brosse.

Le choléra est une toxi-infection intestinale aiguë. Après incubation de 2 à 5 jours apparaît une diarrhée profuse et des vomissements. La perte liquidienne peut atteindre un litre par heure. Les selles sont aqueuses claires et présentent des débris muqueux : on parle d’un aspect en eau de riz.

Si le malade n’est pas rapidement pris en charge il apparaît en quelques heures un syndrome d’intense déshydratation débouchant rapidement sur la mort (dans 50 à 60% des cas). Il existe des cas moins sévères.

Cette maladie transmise par ingestion d’eau ou d’aliments contaminés ou par l’intermédiaire des mains, frappe par épidémie lors de rassemblements humains. Les cas de choléra se manifestèrent principalement lors de l’extension du conflit à l’Orient.

La prévention se faisait par vaccination par le sérum du profession Vincent.

La prophylaxie actuelle repose sur des mesures d’hygiène afin de contrôler la dissémination.

La vaccination par voie injectable ne protège que 50 à 60% des vaccinés et ce pour une durée de 6 mois.

La chimio-prophylaxie est basée sur l’administration d’antiseptiques intestinaux. Le traitement va commencer par la réhydratation et la correction de l’acidose. Puis une antibiothérapie sera débutée par une tétracycline ou un sulfamide pendant 2 à 3 jours.

10) – le paludisme

L’agent responsable de cette infection est un protozoaire : le plasmodium, il existe différentes espèces de plasmodium :

- Plasmodium falciparum

- Plasmodium malariae

- Plasmodium vivax

- Plasmodium ovale

Sa multiplication est régie par un cycle particulier. Celui-ci commence par l’inoculation de la forme sporozoïte, la nuit, par l’anophèle femelle. Puis, des glandes salivaires de l’anophèle, il va gagner le foie pour s’y multiplier (X 40.000), sa multiplication passant par le stade trophozoïte et schizonte dans les hépatocytes. Il s’agit de la schizogonie exoerythrocytaires. Les schizontes se transforment ensuite en mérozoïtes, cette phase de schizogonie dure environ 10 jours. Après ce délai, les hépatocytes éclatent, libèrent ainsi les nérozoïtes dans le sang. Chaque mérozoïte va pénétrer dans une hématie pour redonner un trophozoïte dans le sang. C’est la schizogénie érythrocytaire (multiplication par 18 ou 32).

Ce schizonte va redonner une forme mérozoïte, puis le globule rouge va éclater ce qui va permettre l’infection d’autre hématies. Celles-ci éclatent toutes les 48 heures pour falsiparum et toutes les 72 heures pour malariae.

Certains mérozoïtes vont donner des gamétocytes qui seront ensuite absorbés par un autre anophèle et où ils se multiplieront (x 10.000) dans les glandes salivaires.

Il existe différents stages cliniques :

- le paludisme débute par une forme simple.

Après une incubation de 7 à 21 jours, apparaissent les premiers signes :

. Fièvre (38° - 38,5°)

. Douleurs

. Vomissements

. Céphalées

. Syndrome pseudo grippal

- Puis vient l’accès palustre.

Celui-ci se manifeste par des frissons pendant 2 à 3 heures. Ils sont précédés de prodromes à type de malaise, arthralgies, hypothermie. Apparaît ensuite un stade de chaleur pendant 5 à 6 heures avec une fièvre élevée (41°)

Le malade présente des conjonctives injectées, un faciès rougeâtre. Cette phase hyperthermique a lieu toutes les 48 à 72 heures selon l’espèce de plasmodium. Elle correspond à l’augmentation de la parasitémie avec relargage de pigments pyrogènes lors de l’éclatement des globules rouges. Cet éclatement va également être à l’origine d’une anémie. On constate parallèlement la présence d’une splénomégalie.

- Des complications peuvent survenir : on a alors à faire à l’accès pernicieux. Celui-ci peut aboutir à un coma (neuro-paludisme dû à l’action de cytokines). Des convulsions et des formes délirantes sont également possibles. Le sujet primo-infecté est plus exposé à cet accès pernicieux alors que les autochtones finissent par acquérir une certaine immunité.

Le paludisme peut entraîner des rechutes. En effet, lors de la phase exo-erythrocytaire certains parasites peuvent interrompre leur cycle et se transformer en hypnozoïtes. Ceux-ci pourront se réactiver plus tard. Ce n’est pas valable pour falsiparum chez lequel on considère qu’il y a guérison s’il n’y a pas eu de manifestations pendant 6 mois.

En 1916, le corps expéditionnaire français en Orient et plus précisément en Macédoine eut à faire face à une épidémie considérable de paludisme. Si la mortalité est restée relativement faible (650 décès), la morbidité quant à elle fut énorme : la moitié du corps expéditionnaire (soit 60.000 hommes) fut atteint. De juin 1916 à avril 1917, le rapatriement fut tel qu’on pouvait craindre une réduction durable et sérieuse des effectifs.

Les guérisons étaient rarement obtenues et après rapatriement, un nombre important de soldats continuèrent à présenter des accès longtemps après leur retour en France.

Toutes les conditions étaient favorables à cette épidémie. Tout d’abord, le soldat était soumis à d’importantes fatigues, sous un climat chaud et avec des rations alimentaires souvent insuffisantes. L’association de ces facteurs diminuait ses capacités de résistance. De plus, les troupes séjournaient souvent dans des zones marécageuses propices aux anophèles.

Les formations hospitalières existantes étaient insuffisamment protégées (voire non-protégées). Il en résultait des possibilités d’inoculation ou de ré-inoculation des malades au sein mêmes des centres de soins. Les soldats étaient obligés, dans certains endroits, de dormir dehors faute d’abri et devenaient ainsi une proie de choix pour les moustiques. Les nouveaux soldats débarquant présentaient une plus grande fragilité et développaient des formes plus graves à leur retour en France. Les anciens coloniaux avaient, eux, une immunité relative.

En 1917, devant l’ampleur des dégâts provoqués par le paludisme, le sous-secrétariat d’état demanda la création d’une commission afin d’instaurer une véritable mission anti-paludéenne. Pour faire face à l’urgence, un traitement intensif fut décidé. Des quantités invraisemblables de sels de quinine et sels arsenicaux furent alors envoyés.

Cette mesure ne donnant que très peu de résultats, on crut tout d’abord que le paludisme saloniquien était résistant au traitement ou que les sels de quinine n’étaient pas donnés en quantités suffisantes. Mais on s’aperçut rapidement que ce n’était pas le paludisme qui résistait aux sels de quinine mais les soldats eux-mêmes qui étaient rebelles à l’absorption du traitement !

Le service de santé dut alors tout mettre en œuvre pour que l’administration du médicament soit effective.

La quinisation préventive fut aussi instaurée. Elle était contrôlés par des médecins au moyen de tracts, prospectus, récompenses, qui devaient convaincre les soldats réticents de la nécessité du traitement. Cette quinisation préventive ne constituait pas un élément de prophylaxie. Il fallait en effet lutter contre le moustique.

La mission de prophylaxie anti-paludique créée par le sous-secrétariat d’état, aidée du service de santé du corps expéditionnaire mit alors en œuvre une série de mesures et organisa la lutte :

- Destruction des sites d’anophèles aux alentours des camps, sites d’étapes ou hôpitaux.

- Travaux d’aménagement du sol pour drainage et assèchement des marais.

- Elaboration de cartes indiquant les zones à éviter et les zones les plus salubres.

- Mise en place de moyens de protection individuelle : tente à moustiquaires, moustiquaires de tête et mains pour les gardes nocturnes, protection de la peau par des corps gras ou des huiles essentielles.

- Pose de grillage sur les portes et fenêtres des hôpitaux et casernements.

En 1917, grâce à cette mission le nombre de décès chuta à 20 morts pour 2218 paludéens. Ce chiffre diminua pour atteindre un nombre de décès nul en 1918.

Le traitement actuel utilise la quinine pour les accès pernicieux.

Les anti-paludéens de synthèses sont également employés :

NIVAQUINE ® sulfate de chloroquine

Prophylaxie ou curatif

LARIAM® mefloquine

Prophylaxie ou curatif

Effets secondaires : nausées, vertiges, bradycardie, troubles psychiques

HALFAN® curatif

Effets secondaires : cardiotoxicité

Les antifoliques, types sulfamides sont employés en curatif en cas de chloroquino-résistance.

On emploie également des antifoliniques :

PALUDRINE® proguanil

MALOCIDE® pyréméthamine

FANSIDAR® pyrémethamine + sulfamide

Le prophylaxie se fait par NIVAQUINE® 6 jours sur 7 puis 1 à 2 mois après le retour.

11) – tétanos

Le tétanos est une toxi-infection grave causée par le clostridium tetani.

Ce germe, commensal du tube digestif d’animaux comme les équidés et les bovins. Eliminé par les fèces, il va ensuite sporuler et persister en terre. La maladie va apparaître lorsque à la suite d’une effraction cutanée, il va y avoir pénétrations de formes végétatives ou sporulées. La bactérie va rester localisée au niveau du point d’inoculation où elle va se multiplier. Cette multiplication va s’accompagner de la production d’une toxine tétanique ou tétanospasmine.

Un certain nombre de conditions sont nécessaires pour que la maladie se déclare :

- Absence ou insuffisance d’immunité

- Absence d’oxygène dans la plaie

- Diminution du potentiel d’oxydoréduction favorisé par la nécrose

- Présence de corps étrangers déviant la phagocyte

- Association microbienne

- Injection de substances vaso-constrictives.

La toxine va pénétrer au niveau de la plaque motrice neuromusculaire et va gagner par voie rétro-axonale la première synapse de la moelle épinière. Puis elle gagner le SNC et inhiber le muscle antagoniste provoquant ainsi une contracture. Cette contracture douloureuse apparaît après 6 à 15 jours d’incubation et siège au niveau des muscles de la mastication. Elle s’accompagne d’anxiété. On est alors face aux premiers signes de la maladie : le trismus.

Les contractures vont ensuite se généraliser, avec crises paroxystiques spontanées ou provoquées par un agent extérieur. Elles s’accompagnent généralement de fièvre, ce qui signe la présence d’une infection.

La mort peut apparaître par asphyxie due à un spasme pharyngé.

Comme il a été dit précédemment, l’abstention opératoire et la bande plâtrée étaient le seul traitement des plaies par balle du début de la guerre.

Devant le nombre croissant de soldats contaminés par la tétanos, le service de santé reconsidéra sa vision des choses face aux plaies de guerre.

En effet, celle-ci devenaient de plus en plus complexes car elles étaient souvent causées par des éclats d’obus ou de grenade entraînant des débris de terre ou des fragments vestimentaires dans leur pénétration.

Le traitement de la plaie, commençait par une désinfection précoce, un nettoyage et une extraction des corps étrangers.

La partie essentielle du traitement reposait sur l’utilisation du sérum tétanique.

Celui-ci ne présentait pas d’action bactéricide mais une action antitoxique neutralisante de la toxine. Son action n’était vraiment efficace que si les injections étaient renouvelées régulièrement, la protection conférée par le sérum étant limités dans le temps.

Le nombre de cas de tétanos chuta du jour où le sérum fut fabriqué en quantités importantes et distribué aux armées. Son injection fut imposée à tous les blessés, immédiatement après la blessure.

Actuellement, le traitement commence également par un passage de la plaie et l’injection de gamma-globulines spécifiques assurant un mois de protection. On réalise généralement une séro-anatoxino-prévention.

La prophylaxie est réalisée par l’anatoxine tétanique avec rappel à un an et demi et dix ans.

12) – gangrène gazeuse

La gangrène gazeuse est due à un bacille Gram+ anaérobie strict appartenant au genre clostridium. Normalement commensal du tube digestif humain et animal, ce germe est capable de sporuler dans le milieu extérieur. C’est un germe tellurique.

Ses spores possèdent une grande résistance aux facteurs physico-chimiques en particulier la température. Ces clostridium et plus particulièrement clostridium perfringens vont entraîner une gangrène, une fois introduits dans la plaie. Il va y avoir production d’enzymes toxiques comme la lécithinase qui va entraîner une lyse des hématies. Celle-ci va s’accompagner d’une nécrose tissulaire avec putréfaction. La dégradation des tissus par les enzymes va s’accompagner d’une émission de gaz.

Clostridium perfringens peut également être associé à d’autres espèces comme C. septicum, C. oedematiens, C. sordelli. C perfringens peut aussi provoquer des affections aiguës du tube digestif (appendicite ou entérites nécrosantes) et des septicémies. La bactéries ou la spore introduite dans la plaie vient soit du milieu extérieur soit de la flore commensale du malade lors d’une opération.

Comme le tétanos, les cas de gangrène augmentèrent avec la complexité des blessures et les délabrements infligés par les éclats d’obus.

Un traitement préventif consistait à désinfecter par teinture d’iode, à débrider, et à évacuer aussi précocement que possible les corps étrangers et débris vestimentaires. La plaie devait également être largement drainée. La surveillance quotidienne et le changement des pansements étaient de mise.

Le traitement curatif consistait, lui, soit à débrider dans les formes bénignes ou moyennes soit à amputer dans les formes graves. Un sérum fut essayé, mais celui-ci ne présentait que des résultats que sur les formes à évolution lente.

L’arsénobenzol fut également employé et montra une efficacité dans les gangrènes où le clostridium se trouvait associé à d’autres germes.

De nos jours la prophylaxie se fait par le parage et la désinfection de la plaie souillée et par une antibioprophylaxie au moyen de pénicilline G ou de nitroimidazolés. Le traitement est réalisé par débridement si nécessaires ainsi que par antibiothérapie à la pénicilline G.

Voilà donc les principales maladies graves auxquelles pouvaient être exposés les soldats. D’autres, comme la rougeole, la scarlatine, les oreillons étaient également présents chez les poilus avec de plus ou moins grandes variations saisonnières.

Le service de santé eut à faire face en 1918 à une explosion des cas de grippe espagnole se manifestant par une fièvre élevée, des céphalées, signes rhinopharyngés, rachialgies, douleurs articulaires, troubles digestifs. Les signes pulmonaires étaient inconstants, avec des bronchites passagères. Cette affection ne sera toutefois pas développée ici faute de renseignements suffisants et significatifs.

IV – L’utilisation du corps pharmaceutique

Les pharmaciens après avoir été placés à de nombreux postes du service de santé purent grâce à l’intervention de Justin Godart et de son sous-secrétariat d’état, mettre pleinement en pratique leurs connaissances scientifiques et médicales. Ce sont leurs rôles dans la prévention des maladies infectieuses ainsi que les différents moyens d’y parvenir qui seront plus particulièrement évoqués.

A) La prévention des maladies infectieuses – Rôle des équipes sanitaires

1) La création des équipes sanitaires.

L’administration centrale était renseignée sur les conditions hygiéniques des casernements, en dehors des communications télégraphiques ou téléphoniques d’urgence, par des situations sanitaires périodiques résumant à une date donnée le bilan sanitaire de chaque armée, ainsi que celui de toutes les unités appartenant à la zone d’étape. C’était le premier mode de contrôle. Un deuxième mode de contrôle était assuré par les inspections plus ou moins fréquentes demandées par le sous-secrétariat et effectuées par des délégués réguliers ou provisoirement par des personnalités compétentes pour des missions particulières. Une circulaire du 4 novembre 1915 émanant du sous-secrétariat d’état et parafée par Justin Godart à l’attention des directeurs de santé, des différentes régions, précise ce qui était attendu de ces derniers.

Ceux-ci devaient notamment, assistés de conseillers et d’adjoints techniques, exercer une surveillance hygiénique des casernements, cantonnements et établissements militaires, réaliser des enquêtes préalables quant aux choix des cantonnements, faire des propositions pour en réaliser la salubrité générale ou améliorer, si besoin était, les conditions matérielles de la vie des troupes, proposer des mesures prophylactiques à prendre lors d’apparition des maladies infectieuses susceptibles de devenir épidémiques, surveiller l’application des mesures prescrites, exercer une surveillance technique du point de vue de leur bon fonctionnement.

Malgré tout cela, les informations n’étaient pas assez régulières. Il fallait une coopération plus étroite entre tous les services (notamment entre le service de santé, le Génie et l’Intendance, ces deux derniers ne laissant que peu de pouvoir de décision au premier). De plus, le sous-secrétariat constata par des visites aux armées de ses médecins inspecteurs et délégués techniques, que parfois ses propositions en matière d’hygiène et d’assainissement restaient sans réponse, soit par un défaut d’organisation, soit par défaut d’emploi du personnel technique.

C’est à partir de ce moment qu’il fut décidé de mettre à la disposition du commandement, des équipes sanitaires. Celles-ci remplacèrent les sections d’hygiène et de prophylaxie composées d’un médecin assurant les analyses bactériologiques et de deux pharmaciens réalisant les analyses chimiques et le contrôle de l’épuration des eaux. Cette section comprenait également des brancardiers collaborant aux travaux d’hygiène.

Le problème qui se posait dans ces sections était que le personnel subalterne se trouvait insuffisamment instruit, ce qui expliquait également pourquoi les résultats souhaités n’étaient pas atteints.

De plus l’instrumentalisation technique faisait défaut et c’est ainsi par exemple que les laboratoires de bactériologie manquaient d’un instrument essentiel à la recherche bactériologique : le microscope.

Ces équipes sanitaires furent placées sous la responsabilité d’un pharmacien spécialement désigné pour sa compétence. Il était à la tête d’une équipe de 15 hommes constituée d’un personnel infirmier instruit sur l’hygiène générale des troupes en campagne, sur la purification des eaux et protection des eaux potables, désinfection des locaux, des fumiers, sur la lutte contre les mouches et les moustiques, sur les procédés d’épouillage et de dératisation, sur les méthodes d’incinération des ordures et évacuation des eaux usées.

Lorsque celles-ci furent créées, le travail d’assainissement n’était assuré que par des équipes qui se divisaient et se déplaçaient. La conséquence était qu’il fallait un temps considérable afin de visiter tous les cantonnements d’une même zone.

Les effectifs furent ensuite augmentés afin de pouvoir couvrir entièrement toutes les formations.

2) Rôle dans l’assainissement des cantonnements

a) Organisation général d’un cantonnement

- Le logement

Celui-ci pouvait varier en fonction des locaux affectés aux différents bataillons : il pouvait être constitué par des hangars, granges, bergeries ou maisons abandonnées…

- Le couchage :

Très souvent constitué par une litière de paille bordée ou non de claies de bois (empêchant la paille de se répandre). On trouvait des lits de camps individuels ou collectifs confectionnés avec des traverses de bois et pourvus d’enveloppes remplies de paille ou de crin végétal.

Ces locaux étaient également pourvus de râteliers d’armes, de planches pour équipements et vêtements, accroches pour lanternes, crachoirs…

- Lavabos

Normalement installés dans un local à peu près clos, éclairé, à proximité des cantonnements. Les lavabos étaient constitués d’un tonneau de grande contenance, muni de 8 à 10 robinets en bois, placé sur un support de bois ou de briques. Ils étaient également munis d’auges afin de recevoir de l’eau.

- Bains douches

Installés dans un local clos, blanchis au lait de chaux. Ils étaient en général constitués d’un dispositif très simple avec réserve d’eau et pommes de douches.

- Cuisines et réfectoires

Normalement installés de façon hygiénique, ils étaient munis d’un garde-manger (viande suspendue, pains et denrées diverses enfermées dans des caisses ou disposées sur les rayons ). Selon les cantonnements, des tables et bancs de fortune étaient installée soit dans les cuisines, soit dans les locaux de couchage, soit dans des locaux spéciaux.

- Buanderie séchoir

La buanderie était munie d’une lessiveuse avec fourneau, de baquets pour rincer le linge. Le séchoir était souvent constitué de cordes tendues dans un local aéré.

- Infirmerie

Installée dans un endroit assez central de cantonnement, elle était plus ou moins bien aménagée selon les locaux mis à disposition.

- Les feuillées (toilettes)

Placées à proximité de la fraction d’hommes qu’elles desservaient, elles devaient se trouver à distance des puits, réserves d’eau potable, aliments… Les fosses étaient recouvertes d’un plancher avec des orifices le plus hermétiquement fermés par différents moyens plus ou moins sophistiqués. Les feuillées étaient en général recouvertes d’une toiture de bois, chaume, branchages ou tout autre matériau permettant de réaliser un abri.

- Urinoirs

Placés le plus souvent dans l’angle de deux murs. Ils étaient constitués d’un puits perdu muni d’un système d’écoulement par gouttière.

- Tonneaux d’eau potable

L’eau était conservée dans des tonneaux placés verticalement sur des supports à 40 ou 60 centimètres du sol et protégés par une toiture.

- Four incinérateur

Il était de préférence placé dans un terrain vague, éloigné de toute habitation. Il était fabriqué avec des briques armées par des morceaux de ferraille quelconque ou avec de vieilles tôles. A côté des fours étaient creusés deux fosses, l’une pour les détritus non incinérables, l’autre pour les boites de conserve vides.

- Locaux divers

Si la place le permettait une salle de réunion et un local pour le coiffeur étaient aménagés.

Cette organisation était une organisation théorique car on constatait souvent une nette différence avec la réalité. On avait tendance à ne pas étendre les cantonnements afin de mieux en assurer la surveillance disciplinaire. Les hommes étaient ainsi resserrés outre mesure. L’insalubrité des logements devenait préjudiciable à la santé et favorable à la propagation des maladies.

On constatait fréquemment l’absence de bains douches ou même de lavabos improvisés, ce qui rendait alors impossible les soins de propreté corporelle les plus indispensables. La propreté extérieure des cantonnements laissait fréquemment à désirer et il n’était pas rare de trouver des amas d’ordures ménagères ou autres, les incinérateurs faisant défaut ou étant négligés. Ces mêmes ordures pouvaient tout naturellement se trouver à proximité des points d’eau. Les cuisines et réfectoires pouvaient également voisiner avec les fumiers, les latrines ou autres amas d’immondices.

Le sous-secrétariat d’état du service de santé militaire au Ministère de la Guerre édita un fascicule « conseils au soldat pour sa santé » afin de responsabiliser chaque homme. Ce fascicule résumait les règles d’hygiène à adopter dans les différentes parties des cantonnements mais il fallait bien constater que ces règles étaient bien souvent oubliées.

Ce fut donc aux équipes sanitaires que revint la tâche énorme du maintien de l’hygiène dans ces lieux de forte concentration d’hommes.

b) Désinfection des locaux

Les équipes sanitaires, sous la direction d’un pharmacien, étaient tout d’abord chargées de la désinfection. Les hommes, à qui était confiée cette tâche, devaient eux-mêmes se protéger contre les germes avec lesquels ils allaient être en contact. Ils devaient revêtir des vêtements de toile spéciaux (eux-mêmes désinfectés à la fin par eau bouillante ou par de l’eau crésylée 4% pendant 24 heures) et s’abstenir de gestes à risques comme boire et manger. Après l’opération, le lavage du visage à l’eau et antiseptique était obligatoire. Ils avaient à leur disposition différents moyens de désinfection :

- mécaniques

- physiques

- chimiques

- Moyens mécaniques

Ils utilisaient tout d’abord le balayage humide qui permettait de rassembler facilement les poussières et surtout de ne pas disséminer les germes. Le lavage à l’eau chaude était de mise quand le sol des locaux s’y prêtaient.

- Moyens physiques

Dans les locaux ou de nombreuses personnes avaient été rassemblées, il fallait avant tout laisser y pénétrer l’air et la lumière. L’aération permettait d’évacuer l’air vicié.

La chaleur était utilisée soit pour l’ébullition, soit dans les étuves ou encore dans les fours incinérateurs. L’eau bouillante était le premier moyen de désinfection à condition que les objets y soient plongés pendant une durée suffisante (au moins trente minutes)

Dans les étuves, c’est l’action de la vapeur d’eau sous pression à une température de 110° - 120° qui permettait la désinfection des vêtements, literies…

L’incinération permettait en plus de la désinfection par la chaleur, la destruction des objets souillés, ordures ménagères et déchets.

- Moyens chimiques

Les équipes sanitaires avaient à leur disposition plusieurs antiseptiques qu’ils utilisaient de manières différents selon les locaux à nettoyer (voir document 3).

- lavages et badigeonnages

Ces deux moyens étaient employés pour nettoyer et désinfecter les sols, les murs et les plafonds. Pour cela les équipes sanitaires utilisaient généralement :

→ soit du chlorure de chaux obtenu en délayant du chlorure de chaux dans de l’eau chaude afin d’obtenir une dilution de 1 à 5-10% selon la contamination des locaux.

Ce chlorure de chaux était utilisé à la fois pour ses propriétés désinfectantes et également pour supprimer les mauvaises odeurs.

→ soit du phénol ou du Crésyl dilués à 5-10%

→ soit du chlorure de zinc à 5%

Celui-ci possédait plus des propriétés désodorisantes que bactéricides.

→ soit du sublimé corrosif (bichlorure de mercure) à 1/1000

Ce sublimé présentait tout d’abord un danger pour l’homme car c’était un poison assez violent (il ne pouvait d’ailleurs être manipulé que sur l’ordre et sous la surveillance et la responsabilité de la pharmacie).

De plus, son activité bactéricide était très faible, voire nulle.

→ soit du carbonate de soude en solution à 2% dans de l’eau très chaude.

Il constituait un bon agent de désinfection à un faible coût.

→ soit du formol utilisé en dilution à 2-3%

L’inconvénient de ce produit est que le lavage devait être réalisé avec une forte aération car il était très irritant.

→ soit d’autres produits comme le sulfate de cuivre en solution chaude à 5%, le sulfate de fer à 25-50%, le sulfate ferrique à 10%, les huiles lourdes de houille et le schiste en émulsion à 5-10%

- Pulvérisations

Les pulvérisations étaient le deuxième moyen dont disposaient les équipes sanitaires. Elles se faisaient grâce à des pulvérisations de cresyline ou de solution de formol. Le problème qui se posait était qu’en campagne, on manquait de pulvérisateurs. Ce moyen était donc moins utilisé.

- Fumigations

Les fumigations directement dans les locaux à désinfecter étaient le meilleur procédé. Cela nécessitait un cubage des locaux à désinfecter et un calfeutrage des ouvertures. Etaient employés en fumigation :

→ L’acide sulfureux produit par la combustion du soufre à l’air. L’inconvénient est qu’il ne détruisait que les microbes peu résistants (streptocoques, bacilles, typhiques…), le BK, le bacille diphtérique, les germes sporulés n’étaient pas touchés. C’était en revanche un excellent moyen de destruction des rongeurs et insectes parasites.

Il fallait prendre soin avant la fumigation d’arroser les locaux, l’humidité rendant l’acide sulfureux plus actif.

Les objets métalliques étaient à enlever ou à protéger car le gaz les abîmait.

→ Ammoniac

Celui-ci était peu utilisé. Il n’agissait que s’il était utilisé longtemps et à haute dose dans un espace étroit et hermétique. A dose efficace, il était tellement suffocant qu’il fallait attendre 14 heures avant de pouvoir pénétrer dans le local désinfecté.

→ Formol

Il était employé sous différentes formes.

- formol commercial à 40 %

Mélange mal défini d’eau, d’alcool méthylique, de formaldélydle et d’acide formique. Cette solution dégageait du formol lors de l’ébullition sur lampes à alcool ou à pétrole. Le local devait être fermé hermétiquement pendant 6 à 24 heures selon la présence ou non de meubles.

- Réactions thermochimiques génératrices de formaldélyde.

Le dégagement de formol pouvait être réalisé par ajout de permanganate de potasse.

Formule Formol commercial 20 cm³

Eau 20 cm³ QSP 1m3

KMn04 8 gr

Au mélange eau-formol placé dans un grand récipient, était ajouté d’un coup le permanganate, réaction générant un dégagement de formol.

Le chlorure de chaux pouvait être employé à la place du permanganate.

Formule Chlorure de chaux 20 gr

Eau 30 gr QSP 1m3

Formol 20 cm³

Il en est de même pour la chaux vive

Formule Chaux 60 gr

Eau bouillante 180 gr SLP 1m3

Formol 40% 30 gr

- Trioxyméthylène

Provoquait un dégagement de formol sous l’effet de la chaleur. Il était utilisé soit sous forme de Fumigator (système permettant la production de chaleur venant d’une combustion, de dégager du formol), soit utilisé sous forme d’autane ou d’aldogène. L’autane était constitué de trioxyméthylène, d’eau et de peroxyde alcalino-terreux. Au contact de l’eau, il y avait dégagement d’aldélyde formique et d’oxygène. L’aldogène était, lui, réalisé avec du trioxyméthylène, du chlorure de chaux à 90° et de l’eau.

Dans les 3 cas, il fallait aérer au bout de 5 à 7 heures.

Le chlore gazeux

Très bon bactéricide mais avait l’inconvénient d’être irritant et nocif pour le système respiratoire. Il était utilisé à la dose de 5 gr par m³. Il était préparé en versant de l’acide chlorydrique dans un extrait de Javel ou sur du chlorure de chaux ce qui provoquait un dégagement immédiat de chlore. Cette opération était à réaliser avec un masque anti-asphyxiant. L’inconvénient était qu’il était difficile en campagne de se procurer les produits nécessaires.

Le document 3 en annexe fait un résumé de l’emploi des différents désinfectants.

c) Assainissement général des cantonnements

Un autre rôle des équipes sanitaires (aidées quelquefois de corvées pour augmenter les effectifs) était de rendre salubres les différents locaux que comprenaient les cantonnements. Elles veillaient à ce que tous les détritus soient recueillis et transportés quotidiennement à l’incinérateur afin d’éviter tout amas à proximité des locaux. Pour les déchets non combustibles, ceux-ci devaient être enfouis. Des consignes précisaient même que les récipients ayant servi au transport des ordures devaient être lavés tous les jours à l’extérieur comme à l’intérieur par une solution crésylée puis passés intérieurement au sulfate ferrique et à l’huile lourde de houille afin de repousser les mouches.

En ce qui concerne l’enfouissement des restes d’animaux ou de denrées, cela devait être réalisé à une profondeur suffisante. Ils étaient, avant d’être recouverts, traités avec le chaux vive, du chlorure de chaux ou arrosés avec une solution de sulfate ferrique et d’huile lourde ou encore des goudrons.

Des mesures étaient prises afin d’empêcher l’éclosion des mouches.

Les fumiers étaient transportées loin des cantonnements et labourés dans les champs. S’il ne pouvaient être labourés, ils étaient aspergés de Crésyl une fois par mois de juin à octobre, afin de détruire les larves en profondeur.

Les feuillées (et urinoirs) étaient aussi un lieu sous surveillance car responsables de la pullulation de mouches disséminant ensuite les germes pathogènes pouvant être présents. Elles étaient ainsi traitées au lait de chaux, sulfate de cuivre, chlorure de chaux, Crésyl ou huiles de houille.

Dans les zones de tranchées et champs de bataille, le problème était beaucoup plus complexe car on était en présence de nombreux cadavres ou restes humains ne pouvant être ensevelis ou faisant corps avec les parois des tranchées ou les éboulis de trous de mine.

La solution afin d’éviter une trop grande pullulation de mouches (qui augmentait en plus en saison chaude) était de les asperger d’huiles lourdes de houille et de schiste.

3) - Désinfection et désinsectisation du corps, des vêtements et équipements.

Le procédé de choix pour la désinfection des vêtements, équipements, couvertures et literie était celui des étuves à vapeur ou des études à formol qui permettaient une désinfection plus en profondeur. Les tissus de coton contaminés par du sang, du pus, des matières fécales, étaient désinfectés par immersion pendant 4 heures dans une solution de Crésyl à 4% puis lavés et lessivés.

Les objets pouvant être abîmés par étuvage (cuirs, peaux, bois…) étaient lavés également au Crésyl.

a) Voitures de désinfection-douches

Sur le front, le problème d’hygiène était amplifié. En effet, dans les tranchées, il était fréquent de trouver des ruisseaux de boue, des couchages infestés par la vermine…

Il fallait donc trouver un moyen pour les soldats de se nettoyer lors de leur retour aux cantonnements.

Il fallait également pouvoir transporter ce système d’un cantonnement à l’autre. Le service de santé fut conduit à créer des voitures de désinfection-douche. Le Touring-Club de France, « l’œuvre du soldat au front », participa également à l’obtention de la propreté du corps et à la désinfection entomo-parasitaire des armées en opération en fournissant également ces précieuses voitures.

Le modèle 1915 fut tout d’abord de conception simple et en nombre assez faible (30 véhicules devaient se répartir dans les cantonnements). Une chaudière fournissait la vapeur nécessaire à la désinfection et au chauffage de l’eau envoyé sous pression par une pompe dans une rampe de 3 pommes de douche. Des tonneaux de bois (7) étaient placés parallèlement sur les deux rangs et étaient destinés à recevoir les vêtements à désinfecter. Chaque voiture permettait de désinfecter et de doucher 100 hommes à l’heure.

Puis est apparu le modèle 1916. Il en fut construit 50. Les tonneaux verticaux furent remplacés par 8 autoclaves horizontaux en tôle. Un panier perforé, destiné à recevoir les vêtements, se trouvait à l’intérieur. Une fois l’autoclave fermé, on actionnait un volant extérieur afin de donner un mouvement rotatif au panier. Cela évitait les poches d’air et assurait ainsi une bonne désinfection.

Ce nouveau modèle était également pourvu d’une rampe de pommes de douche. A la fin de la désinfection, le séchage du linge était assuré par un courant d’air chaud.

Ces appareils permettaient donc une désinfection et une désinsectisation des soldats et de leurs effets et permettaient également d’avoir du linge propre. Les équipes sanitaires veillaient à ce qu’ils soient utilisés dans des conditions optimales.

Des appareils de désinfection au gaz sulfureux furent également utilisés pour compléter. Les vêtements à désinfecter et désinsectiser étaient suspendus dans des pièces où l’on envoyait ensuite un gaz constitué d’air et de soufre vaporisé à haute température. Ce gaz pénétrait à travers les vêtements sans les abîmer.

b) Groupes buanderies-séchoirs.

Afin d’assurer la présence de linge propre dans les ambulances de l’avant, le service de santé demanda la construction de 150 groupes buanderies-séchoirs.

Ils étaient composés de deux voitures, l’une contenant les cuviers pour le coulage du linge, la machine à laver, l’essoreuse, le tout entraîné par un moteur à essence, l’autre comportait le séchoir à air chaud. Ces groupes buanderies-séchoirs permirent de traiter le linge nécessaire de 150.000 à 200.000 blessés ou malades.

c) Postes d’épouillage.

Pour que la désinsectisation soit efficace, il fallait également veiller à ce que les soldats ne soient pas porteurs de parasites et notamment de poux, propagateurs de maladies comme le typhus. Ils devaient le cas échéant passer au poste d’épouillage. Il s’agissait d’une pièce comportant un bain-douche ou une étuve ainsi qu’un vestiaire.

Les soldats étaient alors tondus si besoin au niveau de toutes les parties velues. Puis ils devaient se livrer à des savonnages répétés des pieds à la tête. Les parties pileuses étaient ensuite enduises de vaseline mélangée d’une mixture parasiticide (essence d’eucalyptus, essence de menthe Pouliot, essence de lemon grass, naphtaline), soit de vaseline au xylol ou encore de vaseline à la naphtaline.

En cas d’épidémie, chaque soldat devait revêtir, et ce d’autant que l’on était en période d’épidémie, une combinaison de désinfection. Celle-ci était faite de toile imperméable serrée aux pieds, à la taille et fermée au cou et aux poignets. Il devait également porter une calotte couvrant le cuir chevelu et la nuque ainsi que des gants en toile ou caoutchouc. Les cous et poignets étaient entourés d’une feuille d’ouate ou enduits de mélange vaseline-mixture parasiticide ou huile camphrée.

Tout ceci avait pour but de le préserver de toute infection par des germes pathogènes.

4) – Dératisation

Rapidement, le haut commandement décida de renoncer aux grandes attaques meurtrières souvent inutiles. C’est ainsi que le front allait s’enliser au propre comme au figuré.

De chaque côté du champ de bataille (No Man‘s Land), on vit apparaître chez les alliés et allemands des réseaux de profondes tranchées. Celles-ci posèrent rapidement un problème qui allait s’additionner à ceux relatifs aux combats : les rats et le cortège de parasites et maladies qu’ils amenaient avec eux (typhus, ictère spirochètosique…)

Ces rongeurs étaient attirés par les nombreux restes de nourriture et déchets que peuvent donner de tels rassemblements d’hommes en espaces restreints mais aussi par le sang et les cadavres à demi ensevelis…

Dans les cantonnements, le problème existait également mais celui-ci était moindre en raison des mesures prises pour l’assainissement général des camps.

La lutte contre ce second ennemi commença réellement dans les premiers mois de 1915. Initialement sous la direction d’un médecin, elle fut confiée aux pharmaciens lors de la création des équipes sanitaires. Celles-ci mirent en application des campagnes de dératisation pour l’extermination en masse de ces rongeurs.

Pour cela, elles avaient à leur disposition différents procédés qui se révélèrent plus ou moins efficaces.

a) – Emploi des gaz

- gaz sulfureux (SO2)

Utilisé avec succès lors de la dératisation des cales des navires, l’appareil de diffusion (appareil de Clayton) se révéla inadapté aux tranchées.

- sulfure de carbone

Ce gaz présentait un pouvoir toxique important. Un linge mouillé au sulfure devait être introduit lentement dans les trous des rats. L’inconvénient était que ce procédé demandait un certain temps pour être efficace. Il n’était donc pas d’un emploi facile.

- gaz acétylène

Des morceaux de carbure de calcium étaient placés à l’entrée de chaque trou puis recouverts légèrement de terre et ensuite arrosés. Il se produisait alors un dégagement de gaz tuant rapidement les rats. Le gaz acétylène était le plus approprié.

b) – Utilisation de poisons

L’utilisation de poison posa un problème dans les lieux ou existait un va et vient continuel de soldats car cela multipliait les risques d’absorption accidentelle.

La direction du service de santé interdit rapidement l’utilisation de mort au rat (pâte phosphorée fabriquée à partir d’un mélange de farine, graisse, sucre et phosphore blanc), arsenic, carbonate de baryum et noix vomique.

De plus ces appâts avaient l’inconvénient d’être dangereux pour les animaux domestiques et les oiseaux.

On utilisa alors un germe affectant les muridés (Bacillus typhi murium) et par épandage d’aliments contaminés qui tuaient les rongeurs en provoquant chez eux une maladie analogue à la fièvre typhoïde de l’homme.

Cette technique fut rapidement abandonnée car, considérée au départ comme inoffensive pour l’homme et les animaux domestiques, elle fut la cause de quelques accidents.

c) – Emploi de l’extrait toxique

Il s’agissait du produit le plus employé. Il était préparé et délivré par la pharmacie centrale de l’armée. Cet extrait contenait de la scillitine, glucoside contenue dans les oignons de scille à l’état frais. Il était délivré dans des bouteilles stérilisées à l’autoclave, car la scillitine se décomposait en présence de la plupart des germes. Les appâts préparés perdaient ainsi de leur pouvoir après 3 à 4 jours.

Il avait l’avantage d’être peu actif chez l’homme (qui le rejetait de toute façon en cas d’absorption accidentelle en raison de son amertume) et les chiens et les chats qui refusaient d’y goûter.

Il existait différents types d’appâts :

- poudre de scille et viande hachée

- poudre à la scille

poudre de scille 5 gr

farine 20 gr

poudre de fenouil 20 gr

essence d’anis 1 goutte

graisse ordinaire (axonge) Qsp une pâte dure.

- l’extrait pouvait être dilué au 1/3 dans l’eau puis sucré. Du pain y était ensuite mis à macérer.

Ces différents appâts devaient ensuite être semés dans les endroits les plus propices, à proximité des dépôts et ordures et points d’accumulation de détritus de toutes sortes. Les effets du toxique se manifestaient dès le lendemain par une destruction massive de rongeurs qu’on retrouvait morts en grande quantité dans les tranchées mais aussi les puisards.

d) – Chiens ratiers

Les chiens utilisés étaient en général des fox-terriers. Leur utilisation ne montrait une réelle efficacité que dans les endroits où les rats rassemblés en grand nombre, ne pouvaient creuser leurs galeries que sous les détritus ou des matières friables (paille, terre rapportée) facilement creusables par le chien. De plus l’utilisation de plusieurs chiens s’avérait nécessaire lors de fortes concentrations de rongeurs, un seul chien ne sachant pas où donner de la tête.

e) – Pièges

Ces pièges montrèrent une certaine inefficacité, soit par imperfection du modèle soit par négligence de ceux auxquels ils étaient confiés. De plus les rats étaient méfiants à l’égard de tout nouvel objet.

f) – Un autre moyen

Etait la chasse au rat par le poilu lui-même, utilisant le matériel à sa disposition (pioche, fusil…)

Pour montrer l’importance qu’avaient ces rongeurs, le médecin-major Cayrel, chef des premières sections d’hygiène et de prophylaxie en 1915, donna certains résultats pour la période du 9 décembre 1914 au 5 avril 1915 : 46.000 rats tués dont 37.880 par extrait toxique et 8825 par les chiens.

Le problème était qu’un rat ne se laissait jamais prendre deux fois à un aliment indigeste. Pour être efficace, il aurait fallu un traitement 2 fois par mois sur le même point mais cela n’était pas toujours réalisable. Les équipes sanitaires laissaient alors quelques flacons d’extraits toxiques à des responsables ainsi que les renseignements utiles à leur utilisation.

5) Stérilisation du matériel chirurgical

Pour effectuer cette stérilisation, les hygiénistes ne disposaient au début que de bouilloires. Les autoclaves et les études Poupinel n’arrivèrent qu’en octobre 1914. Sur le front, elles étaient réalisées grâce aux voitures de stérilisation étudiées par les ateliers généraux du service de santé. Ces voitures comportaient :

- 2 autoclaves pour la stérilisation des pansements, gants, linges

- 1 autoclave vertical permettant la stérilisation à 140° de 50 litres d’eau par heure

- des bouilloires pour les instruments

- des Poupinel à vapeur.

Au niveau des HOE (les « hôpitaux origine étape » étaient des unités collectives regroupant le matériel de deux ambulances d’infanterie, le personnel se composait de 8 médecins, 2 pharmaciens, 2 officiers d’administration et de 4 infirmiers) furent créés les postes centraux de stérilisation (PCS) sur l’initiative du médecin inspecteur général Sieur. Ceux-ci furent ensuite confiés aux pharmaciens ayant sous leurs ordres des chauffeurs, stérilisateurs et infirmières. Ces postes furent créés pour pouvoir pallier toute augmentation, parfois brusque, d’arrivées de blessés dans les hôpitaux qui ne pouvaient faire face à la demande en matériel stérile, car insuffisamment équipés en autoclave. Le poste central avait donc comme mission l’approvisionnement en pansements, linge chirurgical opératoire et instruments stériles des HOE, mais aussi celui du service des automobiles chirurgicales lorsque celles-ci étaient débordées. Il se situait en général au centre des HOE. Le poste central comprenant un hangar abritant une étuve à désinfection de grande capacité, appareil constituant l’organe principal des PCS. La chaudière de l’autoclave permettait d’alimenter d’autres autoclaves plus petits et de générer de la vapeur pour les bouilloires.

A l’intérieur de ce poste, trois cloisons délimitaient trois autres espaces :

- La chambre proprement dite de stérilisation

- Deux chambres de conditionnement pour le pliage des compresses, coton hydrophile…

- Les cloisons servaient en même temps de casiers pour le rangement des stocks de produits stérilisés.

Les pansements ainsi que le linge chirurgical opératoire, étaient stérilisés à la vapeur sous pression pendant 1h 45. Les instruments et gants, préalablement lavés et brossés à l’eau savonneuse tiède, étaient mis à sécher. Puis ils subissaient la stérilisation par les vapeurs chaudes d’éther, de formol ou d’alcool dénaturé, le tout sous pression pendant 15 minutes. En cas de demande urgente en instruments ou seringues, une stérilisation par ébullition dans les bouilloires à vapeur pouvait être effectuée.

6) Purification des eaux de boissons.

L’alimentation en eaux potables des armées en campagne était un des problèmes hygiéniques les plus difficiles à résoudre d’une façon satisfaisante. Les circulaires ministérielles présentaient même le péril de l’eau comme un des plus redoutables auxquels les troupes pouvaient être exposées. L’eau était en effet un formidable véhicule de germes pathogènes comme ceux de la dysenterie typhoïde, paratyphoïde, ictère spirochetosique, choléra.

Il existait plusieurs causes à ce péril :

- Les points d’eau existants (puits ou sources aménagées) bien qu’au maximum protégés, étaient rarement à l’abri de contaminations, étant donnée l’affluence des troupes cantonnées aux abords.

- Il existait entre la tranchée de première ligne et le cantonnement de repos, une large zone, dépourvue de villages, et de débitants de boissons ; cette zone était très peuplée militairement et le soldat, en dehors de la ration journalière en vin, devait fatalement recourir à l’eau qui se trouvait à sa portée. Il n’était ainsi pas rare de voir des soldats récolter de l’eau accumulée dans des trous d’obus.

- Depuis la période des attaques de la Somme, la qualité des eaux prit une importance particulière du fait de l’occupation d’une zone de terrain repris à l’ennemi, et où les inhumations nombreuses créaient de multiples causes de souillures des nappes souterraines.

Les eaux d’alimentation pouvaient provenir de différentes origines :

- Puits : ils devaient être au maximum protégés des infiltrations extérieures.

- Ruisseaux, rivières : rarement assez pures pour pouvoir être bues sans traitement préalable.

Devant ce péril de l’eau, le haut commandement dut organiser un véritable service de l’avant avec un personnel (pharmacien et infirmier) réparti dans la zone de front. La purification et la protection des points d’eau fut un autre rôle confié aux équipes sanitaires et aux laboratoires de toxicologie dirigés par des pharmaciens. Ils devaient déterminer si les eaux puisées par les troupes étaient saines au point de vue bactériologique, toute eau devant être analysée avant d’être livrée à la consommation. L’étiquette « eau potable » ou « eau mauvaise » ensuite apposée sur les points d’eau, devenait un renseignement de grande importance pour le soldat.

Le but du traitement de l’eau était donc :

- de débarrasser l’eau des germes pathogènes

- de la rendre claire et limpide.

Pour cela, plusieurs procédés se trouvaient à dispositions des hygiénistes.

a) Procédés mécaniques

Il s’agissait essentiellement de la filtration. Les seuls filtres réellement efficaces étaient des filtres de Berkfeld en terre d’infusoire agglomérée ainsi que le filtre de Chamberland. L’inconvénient de ce dernier était que si l’eau se trouvait assez vaseuse, les bougies s’encrassaient rapidement. De plus, la régénération et la stérilisation des bougies devenaient impossibles en campagne. Ces filtrations donnaient une eau clarifiée plutôt que purifiée, c'est-à-dire exempte de germes pathogènes.

b) Procédés physiques

- Le meilleur de ces procédés était l’ébullition. L’eau maintenue à ébullition pendant une dizaine de minutes se retrouvait absolument privée de germes pathogènes. Ce moyen de purification des eaux était malheureusement difficilement applicable en campagne, du moins sur de grosses quantités d’eau. En effet, dans ce cas, le chauffage devenait très long et demandait alors beaucoup de combustible, rendant ainsi le coût de traitement important.

Il était en revanche conseillé aux soldats de préparer chaque soir une infusion de thé ou de café et de la mettre dans leur bidon pour le lendemain. Ce moyen permettait ainsi chaque homme de boire de l’eau bouillie. (Ce thé était souvent arrêté, les soldats ne supportant plus son goût après une certaine période).

- La distillation, consistant à porter l’eau à ébullition puis à refroidir la vapeur pour la condenser de nouveau en eau, était un bon moyen de purification mais cependant inapplicable dans les armées de campagne car elle exigeait des appareils spéciaux comme les alambics.

- D’autres procédés comme les UV ou l’ozone existaient et donnaient de bons résultats, mais ils nécessitaient des installations trop complexes.

c) Procédés chimiques

Parmi ceux-ci les plus employés étaient la permanganisation et la javellisation. On distinguait des procédés de purification collective et des procédés de purification individuelle.

α - purification collective

Elle était utilisée dans le traitement de grandes quantités d’eau donc essentiellement dans les cantonnements.

* Permanganisation

Basé sur l’utilisation du permanganate de potasse. Ce sel, une fois ajouté à l’eau, la colore en rose. La colorisation disparaît peu à peu à mesure que l’eau se purifie par l’action oxydante du permanganate sur les matières organiques qu’elle contient.

La formule la plus employée à l’époque était les poudres du pharmacien major Lambert :

Poudre n° 1 – poudre oxydante grise

Permanganate de potasse 0,60 gr

Bioxyde de manganèse 0,50 gr

Carbonate de chaux 0,20 gr

Talc 3,70 gr

Poudre n° 2 – poudre réductrice blanche

Hyposulfite de soude 0,60 gr

Talc 4,40 gr

Ces doses permettaient l’épuration de 10 litres d’eau. Cette formule avait en plus l’avantage de désodoriser les eaux saumâtres et de clarifier les eaux limoneuses.

La poudre 1 était à dissoudre dans 10 litres d’eau et à laisser en contact 10 minutes. L’eau se colorait en rose. Puis la poudre 2 était ajoutée, ce qui faisait alors disparaître la coloration.

Le peroxyde de manganèse qui se formait par réduction hyposulfitique entraînant dans sa floculation toutes les matières humiques et colloïdales en suspension. Une simple filtration donnait ensuite une eau limpide et presque aseptique. Cette formule se trouvait également sous forme de comprimés.

Il existait différentes variantes au procédé Lambert.

- Filtre Garret

Variante du premier procédé, elle était l’invention du médecin-Major Garret. Il s’agissait d’un cylindre métallique en tôle galvanisée, terminé par un entonnoir. A la jonction des deux se trouvaient deux diaphragmes percés de trous et mobiles, entre lesquels un tampon de coton hydrophile servant de partie filtrante était comprimé.

L’ensemble se fixait ensuite sur 3 pieds. Avec ce filtre étaient livrés des flacons de poudre ou comprimés Lambert. Il était décliné dans différentes contenances, le plus gros pouvant distribuer jusqu’à 500 litres d’eau par heure.

- procédé Lapeyrere

Celui-ci était basé sur l’utilisation de :

- Permanganate de potasse 3 gr

- Alun 10 gr

- Carbonate de soude 9 gr

- Carbonate de chaux 9 gr

Cette formule permettait l’épuration d’un litre d’eau. L’eau était ensuite filtrée sur un filtre constitué par de l’ouate de tourbe saturée d’oxyde brun de manganèse qui avait pour but d’éliminer le permanganate de potasse en excès.

- le filtre Hy et le procédé Laurent, étaient généralement deux autres moyens de purification basés sur l’utilisation du permanganate.

* Javellisation

Utilisée pour le traitement de grandes masses d’eau, son emploi était basé sur les qualités bactéricides du chlore libre dégagé par l’hypochlorite de soude. L’avantage de ce procédé était que, contrairement à la permanganisation, il ne nécessitait aucune filtration.

La dose de chlore actif à faire agir sur un litre d’eau variait de 1 à 3 mg selon la plus ou moins grande pureté de celle-ci :

- Pour les eaux limpides pauvres en matières organiques, 1mg de chlore actif par litre d’eau suffisait.

- Pour les eaux de source ou cours d’eau de limpidité imparfaite et assez riches en matières organiques, 2 mg étaient nécessaires.

- Pour les eaux de puits ou cours d’eau troubles et riches en matières organiques, la dose atteignait 3 mg.

Lorsque la quantité de chlore utilisée pour la désinfection était dépassée, celle-ci donnait un mauvais goût à l’eau, empêchant ainsi sa consommation immédiate. Il fallait donc neutraliser l’excès de chlore par addition de sulfate de soude.

Afin de pouvoir traiter l’eau sur le front, des postes de javellisation furent installés. Ceux-ci se composaient d’un puits dont l’eau était refoulée par une motopompe dans une cuve en fer de 3 à 5 m³, élevée sur une charpente. Un tonnelet distributeur permettait de délivrer les doses nécessaires d’hypochlorites. Puis le tout passait dans une caisse-mélangeur.

A la sortie, des robinets permettaient de tirer l’eau et de remplir les voitures réservoirs.

Ces postes de javellisation étaient rassemblés en secteur. Les secteurs comprenaient plusieurs postes suffisamment rapprochés les uns des autres pour que tous puissent être visités au moins deux jours par un pharmacien auxiliaire chef de secteur.

* utilisation de l’iode

A la dose de 75 mg/ln l’iode tue en 10 minutes la plupart des micro-organismes contenus dans les eaux impures. Ce procédé, invention du médecin inspecteur général Vaillard permettait le traitement de 10 litres d’eau grâce à des comprimés.

Un comprimé bleu d’iodate de soude et un comprimé rouge d’acide tartrique étaient mis à fondre simultanément dans un peu d’eau. Le liquide prenait alors une teinte jaune. Celui-ci était ensuite versé dans l’eau à traiter qui se colorait aussitôt. Ce procédé nécessitait ensuite une décolorisation au bout de 10 minutes à l’aide d’une pastille blanche d’hyposulfite.

β - Purification individuelle

Dans les tranchées, le problème de l’eau se trouvait être plus complexe à résoudre. Il était souvent difficile d’alimenter les soldats en eau potable. Il fallait quelquefois faire deux ou trois kilomètres à travers les boyaux de communication pour apporter des vivres et des munitions. Le ravitaillement en eaux, dans ces conditions, se faisait après tous les autres. Cela expliquait les raisons pour lesquels les soldats avaient recours aux sources du voisinage.

De plus, il était impossible de mettre en œuvre des dispositifs de stérilisation à chaud car toute flamme ou fumée devait être évitée afin de ne pas donner d’indications à l’ennemi sur l’emplacement des troupes.

Différents procédés furent alors mis au point pour permettre aux soldats d’avoir de l’eau potable.

* Utilisation du permanganate.

Le principal procédé était celui proposé par Henry Penau, pharmacien aide-major de 1ère classe : dispositif des deux douilles de cartouches. Ce système était basé sur l’utilisation de permanganate neutralisé par l’hyposulfite de soude. Le dispositif comportait deux douilles de cartouches Lebel soudées par leur base et dont les orifices étaient obturés par des bouchons doseurs mobiles (la cupule du bouchon représentant le volume de poudre à utiliser).

La douille I renfermait la poudre oxydante grise :

Permanganate de potasse pulvérisée

Sulfate de soude sec pulvérisé

Carbonate de chaux précipité

La douille II, elle, contenait la poudre réductrice blanche

Hyposulfite de soude pulvérisé

Sulfate de soude sec pulvérisé

Carbonate de chaux précipité

Chaque douille renfermait la quantité de poudre suffisante au traitement de 40 à 50 litres d’eau.

Dans son bidon plein, le soldat devait verser une cupule de poudre I, agiter 5 ou 6 fois et attendre ½ heure puis il ajoutait une cupule de poudre II. L’eau traitée pouvait ainsi être bue immédiatement. Elle se trouvait simplement colorée en brun clair, coloration due à la formation d’un peroxyde de manganèse.

* Comprimés pour épuration individuelle de l’eau.

- comprimés d’hypochlorite de calcium des professeurs Vincent (médecin inspecteur) et Gaillard (pharmacien principal). Ces comprimés permettaient à chaque soldat de traiter lui-même sa ration d’eau. Pour le traitement d’un litre (ou d’un bidon de soldat) ces comprimés contenaient :

Hypochlorite de calcium 15 mg

NaCl 80 mg

Titre de 3 à 3,5 mg de chlore

Pour 5 litres

Hypochlorite 75 mg

NaCl 380 mg

Titre 17 mg de chlore environ

Le soldat devait mettre un comprimé dans son bidon plein, puis agiter. L’eau ainsi traitée pouvait alors être consommée après 15 à 20 minutes sans présenter aucun goût appréciable. Les comprimés devaient être conservés à l’abri de la lumière, la chaleur et l’humidité.

- comprimés d’iode du professeur Vaillard

Il s’agit des mêmes comprimés que ceux utilisés dans la purification collective de l’eau mais à dosage adapté.

* Filtre individuel

Il s’agissait du filtre Garret dans son plus petit modèle.

d) Voitures d’eau potable

Le Touring Club, devant les difficultés d’approvisionnement des troupes en eau, décida d’affecter une partie de « l’œuvre du soldat au front » à l’alimentation en eaux potables des armées en campagne. En effet, les effectifs en hommes ne cessant d’augmenter, il était souvent nécessaire de réaliser d’importants travaux pour trouver de l’eau sur place ou de la faire venir de très loin par wagons-citernes ou dans des tonneaux sur camions ou tombereaux. Le Touring-Club fit alors don d’un certain nombre de voitures. Ces voitures d’eau potable étaient du type de la voiture régimentaire. Chaque véhicule était muni de 2 pompes, tuyauterie, filtre clarificateur à éponges et de deux cuves de stérilisation en tôle. (voir annexes).

La première pompe servait à puiser l’eau au niveau des points d’eau et la refoulait à travers le filtre dans une des deux cuves où elle était stérilisée par l’hypochlorite de soude. La stérilisation se trouvait être complète après ½ heure de contact. C’était pour permettre ce temps de contact que la voiture comportait deux cuves. Cela permettait d’en avoir toujours une en service pendant que dans l’autre, le mélange par un agiteur à lame entre l’eau et l’hypochlorite s’effectuait. La deuxième pompe transférait ensuite l’eau traitée dans des tonneaux sur voitures. Ces appareils permettaient ainsi de purifier 3000 litres d’eau par heure.

B) Laboratoires de toxicologie et laboratoires d’armée

Lors des premières offensives, on constata que l’ennemi avait empoisonné les eaux de certains puits. Des laboratoires de toxicologie furent alors créés pour la surveillance. On pensait en effet que dès le premier recul de l’ennemi, celui-ci empoisonnerait tous les points d’eau. Mais arriva la période d’enlisement et de stabilisation du front. Il fallut donc élargir les activités de ces laboratoires, le problème de l’empoisonnement des points d’eau se posant moins.

Le service de santé créa ainsi entre mai 1915 et le début de 1916 plus de 200 laboratoires de toxicologie rattachés aux groupes divisionnaires de brancardiers et dont la direction fut confiée à des pharmaciens, médecins et ingénieurs chimistes. Outre les travaux effectués conjointement avec les équipes sanitaires dans les traitements des eaux polluées, ils furent également chargés de l’analyse des denrées alimentaires et de tout ce qui pouvait être avarié et surtout falsifié. Des analyses biologiques demandées par les médecins leur étaient également confiées. Ils eurent également la tâche d’étudier la bactériologie des plaies de guerre ainsi que les moyens d’empêcher la multiplication des agents pathogènes facteurs d’infection. Cette biologie et bactériologie de la plaie de guerre était plus profondément étudiée dans les laboratoires des armées de l’arrière que dans les formations sanitaires de l’avant, celles-ci manquant d’installations suffisantes ou de matériel technique. Ce ne fut pas sans difficultés, d’ailleurs que les chirurgiens de l’avant acceptèrent de se soumettre aux bactériologistes de l’arrière…

Ils furent aussi les premiers à s’occuper sur place des gaz asphyxiants en recueillant les échantillons puis en les envoyant au centre médico-légal et à Paris. Ils étudièrent également les différents moyens de se protéger de ces gaz délétères et collaborèrent à l’enseignement sur le terrain de cette protection. Pendant les premiers temps un problème de taille se posa : il n’y avait pas assez d’instruments à disposition. Ainsi le pharmacien devait analyser des farines ou des vins sans microscopes, alambics ou alcoomètres ! Il en était de même pour les analyses bactériologiques.

Devant cette situation, Justin Godard aidé par un pharmacien attaché à son cabinet prescrivit alors des mesures afin que les laboratoires soient pourvus en matériel adéquat et qu’ils puissent ainsi réaliser les travaux qui leurs étaient demandés.

1) Recherche de poisons dans les eaux.

Au début, les laboratoires ne disposaient que de peu de réactifs. Ils avaient à leur disposition dans les caisses de matériel une solution au 1/10 de mono-sulfure de sodium, de l’acide chlorhydrique, de la solution saturée de sulfate de strontiane et quelques feuilles de papier picro-sodé. Cela servait à une détermination rapide. Des analyses plus poussées permettaient ensuite de détecter les alcaloïdes (vératrine, colchicine, aconitine, strychnine, morphine, brucine, atropine, ptomaïnes, digitaline, digitoxine), les traces d’arsenic à antimoine, les métaux toxiques (zinc, cuivre, Baryum, plomb, mercure, acide cyanhydrique).

Il y eut quand même quelques dysfonctionnements dans le travail de ces laboratoires. En 1915, lorsque ceux-ci furent crées, le haut commandement voulait qu’ils soient à proximité des troupes, d’où leur rattachement aux groupes de brancardiers. Leur travail n’était alors vraiment efficace que lorsque la troupe se déplaçait, les pharmaciens, toxicologues étaient alors incapables de mener à bien les travaux entrepris ainsi que l’exploration de la zone occupée. Les brusques départs les empêchaient de terminer les essais commencés sur une série de prélèvements. Il arrivait par exemple que certains laboratoires de division en soient à leur 9ème et 10ème local en trois mois.

Lors du remplacement de troupes par d’autres en un même endroit, celles-ci manquaient souvent de renseignements relatifs à l’eau qui avait pourtant été examinée depuis peu. Car les dossiers se trouvaient souvent morcelés ou égarés lors des relevés ou des modifications stratégiques de secteur.

Ces laboratoires essayaient donc d’être aussi efficaces que possible mais dans des conditions matérielles insuffisantes pour un travail rigoureux. Des mesures furent ensuite prises afin qu’ils puissent mener pleinement leurs recherches.

2)- Répression des fraudes et analyse des denrées alimentaires.

Les laboratoires avaient souvent à déterminer s’il y avait eu falsification des produits et denrées données aux soldats. Par exemple, ils avaient à déterminer si le lait avait été ou non mouillé. En effet, ce procédé était d’autant plus dangereux que l’eau ajoutée pouvait être souillée par des germes pathogènes et que le lait est un excellent milieu de culture pour la bactérie responsable de la fièvre typhoïde.

D’autres analyses pouvaient également porter sur le vin qui se trouvait souvent suspect ou falsifié par le mouillage par exemple. Certains vins altérés impropres à la consommation étaient achetés à petits prix par des négociants peu scrupuleux, mélangés avec des vins de qualité courante et ensuite envoyés dans les zones des armées. Les laboratoires disposaient ainsi de matériels d’œnologie pour analyser ces vins.

Des fraudes plus graves étaient également constatées sur les produits d’hygiène ou sur les anti-asphyxiants.

Des produits vendus sous le nom de savon blanc ou savon de Marseille ne contenait par exemple que 10% de savon.

D’autres produits nécessaires au traitement des eaux polluées n’avaient en fait que des propriétés stérilisantes illusoires. Des appareils destinés à la protection contre les gaz de combat étaient vendus cher et n’avaient pas en fait de rôle de protection.

3) - Etude de la bactériologie des plaies de guerre et de leur aseptisation.

Avec l’augmentation de puissance des armes à feu, on assiste à un accroissement des dégâts corporels chez les soldats blessés où la terre, des lambeaux de vêtements et des projectiles étaient la cause de graves infections.

Ces laboratoires eurent alors comme rôle la préparation sur le front d’antiseptiques et l’approvisionnement des formations sanitaires de l’avant et des postes de secours.

L’étude des infections de plaies montra que les antiseptiques comme le phénol camphré, les dérivés de la quinine (rivarol et poytakine), l’iodoforme ou encore le Bismuth ne montraient pas réellement efficaces. La première véritable innovation en matière d’antisepsie revient au docteur Carrel, aide-major de seconde classe qui rechercha les moyens pour nettoyer les plaies et les désinfecter en profondeur.

Il réunit une équipe de biologiste et chimistes parmi lesquels se trouvait le médecin britannique Dakin. Ce dernier après différents essais d’antiseptiques (phénol, acide solycilique, eau oxygénée, iode, nitrate d’argent) utilisa la liqueur de Labaraque (solution d’hypovhlorite de sodium) qu’il neutralisa par de l’acide borique. Carrel mit ensuite au point une méthode d’irrigation des plaies par un système de tubulures en verre.

Cette préparation contenait de 0,5 à 0,6% d’hypochlorite de soude. A ces doses elle pouvait être ainsi être directement appliquée sur les tissus. En appliquant la procédé d’irrigation de Carrel on utilisait ainsi 1 litre de solution par jour et par blessé dans les plaies enfractueuses. L’irrigation permettait au liquide de se renouveler fréquemment dans la plaie car l’hypochlorite de soude dissolvait les matières organiques mais se détruisait à leur contact. Le seul inconvénient de ce produit était qu’il ne pouvait se conserver plus d’une semaine.

D’autres procédés furent mis au point. Ainsi en 1915 un médecin proposa un procédé basé sur l’utilisation de l’essence de térébenthine.

Deux solutions étaient utilisées :

Solution A : Teinture de térébenthine fuschsinée.

- Fuchsine 0,10 gr

- Essence de térébenthine 10 gr

- Alcool à 95° 10 gr

- Ether 10 gr

Solution B : Sérum térébenthiné

- Chlorure de sodium 8 gr

Triturer et ajouter dans un mortier

- Essence de térébenthine 1,50 gr

Ajouter peu à peu

- Eau bouillie 1 litre

La plaie souillée devait d’abord être traitée par de l’eau oxygénée à 12 volumes. Puis elle était lavée avec un mélange d’eau oxygénée et de sérum térébenthiné, puis séchée avec une compresse. Les tissus abîmés étaient ensuite enlevés. Après cette opération il fallait effectuer un badigeonnage avec le liquide A de façon à ce que celui-ci imprègne bien la plaie en profondeur, celle-ci prenant une coloration rouge vif. Après avoir laissé sécher, la blessure était recouverte d’une compresse et de coton hydrophile imprégné de liquide B. Le pansement devait ensuite être renouvelé tous les jours ainsi que le traitement par les deux solutions.

L’iode, ou plutôt la teinture d’iode, fut également un produit beaucoup utilisé.

Chaque soldat détenait d’ailleurs entre autres dans sa boîte de « premiers soins » une ampoule de 5 cm³ de solution d’iode à 5% avec lime ou à un tube de 3 ampoules de 1 cm³ avec lime et pinceau. L’ampoule une fois brisée était versée dans la blessure.

Il fut même proposé au service de santé une ampoule contenant de l’iode métallique pulvérisée, de l’éther à 66°, du chlorure d’éthyle pur. L’ampoule prolongée un tube capillaire était remplie par pression. Une lime permettait ensuite de briser ce tube, libérant ainsi une pulvérisation iodée en profondeur.

Des pansements à l’iode naissant solubilisé furent aussi mis au point. La nappe de coton de ces compresses tampons subissait une imprégnation par une solution d’iodate de potassium et d’iodure en excès et la gaze qui la recouvrait par une solution faiblement acide.

Le dégagement d’iode apparaissait à la moindre trace d’humidité ; le sang provenant des blessures suffisait alors pour lancer la réaction. Les proportions d’iode ainsi libéré variaient entre 0,08 gr et 0,20 gr, ce qui assurait de bons pouvoirs antiseptiques.

Il y avait cependant quelques reproches à adresser à cette teinture d’iode. Elle présentait effectivement un grand intérêt dans les plaies simples, mais devait en revanche être écartée dans les plaies compliquées avec attrition de tissus. Dans ce cas, son utilisation en désinfection intense détruisait les tissus et entraînait la formation d’une croûte qui enfermait les germes dans les anfractuosités de la plaie, permettant ainsi leur prolifération.

Voilà donc une liste non exhaustive d’antiseptiques que ces centres eurent à préparer ou à distribuer.

4) - Lutte contre les gaz de combat.

Cette lutte commença à partir d’avril 1915 après des attaques successives des troupes alliées (et notamment près d’Ypres) par des projectiles contenant un gaz inconnu entraînant la mort de nombreux soldats. Le haut commandement chargea alors le laboratoire de la Xème armée, dirigé par le pharmacien-major Launoy, de déterminer la nature de ce gaz.

Launoy, fut alors dépêché sur le front. Un morceau de coton taché de sang et de mucosités saisi sur un prisonnier allemand lui fut remis. Ce prisonnier avait avoué s’en être servi pour se protéger des vapeurs asphyxiantes. Une analyse de ce coton lui révéla que celui-ci était imprégné d’hyposulfite de sodium ; La lumière se fit alors sur la nature du gaz. Il s’agissait de chlore. Launoy et ses collaborateurs firent alors immédiatement fabriquer des cotons imprégnés d’hyposulfite de sodium grâce à de grandes quantités de déchets de coton trouvés dans une filature d’Auchy-les-Mesdin dans le Pas de Calais.

Cette découverte permit de fournir 3 642 kilogramme de cotons imprégnés à l’armée pour la protection des troupes. Laumoy fit également fabriquer des cagoules à partir de draps de capotes. Celles-ci une fois imprégnées d’hyposulfite et séchées furent distribuées aux hommes.

Voilà donc de quelles façons commença la lutte contre les gaz.

Lors des premières attaques au gaz, la France était donc non préparée. Alors que l’Allemagne pouvait compter sur 30.000 chimistes expérimentés, la France elle, n’en avait que 2500. La conséquence de cette carence d’hommes expérimentés dans la chimie fut que la détection, la protection, et l’invention de gaz de riposte reposa sur les pharmaciens.

Tout au long de la guerre chimique, les pharmaciens ainsi que les laboratoires ne cessèrent de mettre au point des appareils de protection de plus en plus performants (de la compresse imprégnée au masque ARS : appareil respiratoire spécial permettant par une cartouche remplie de mélange adsorbant de neutraliser n’importe quel gaz).

Ces pharmaciens toxicologiques furent chargés de se rendre sur les lieux des différentes attaques au gaz afin d’effectuer des prélèvements. Cependant, bien que les laboratoires de toxicologie fussent confiés à des pharmaciens, il leur fut interdit de les examiner sur place, les échantillons devant être envoyés à Paris au Laboratoire Municipal.

De nombreux pharmaciens payèrent de leurs vies ces prélèvements.

Ces pharmaciens toxicologues eurent également un grand rôle dans l’instruction des troupes, apprenant par exemple à reconnaître les signes avant coureur d’une attaque par vague, les modalités d’utilisation des masques (moments et temps de conservation des appareils). Des séances en atmosphère contaminée furent même effectuées.

Ils participèrent au contrôle de la fabrication des appareils de protection (pouvant ainsi refuser les lots qu’ils jugeaient non-conformes) et à leur réparations.

C’est également aux pharmaciens et notamment aux professeurs Moureu, Lebeau et Delepine que l’on doit les premières recherches et découvertes de gaz offensifs destinés à combattre l’ennemi sur son propre terrain.

Voilà donc sommairement évoqué le rôle de ces laboratoires de toxicologie et de leurs pharmaciens pendant cette guerre chimique. Leurs tâches étaient naturellement plus complexes et larges mais elles sont évoquées ici pour mémoire.

V – Conclusion

Durant cette guerre on ne peut plus meurtrière (1.375.800 morts seulement pour la France), 321 pharmaciens laissèrent leurs vies.

Après avoir été écartés, dans un premier temps du service de santé, ils purent ensuite contribuer, grâce à la réforme demandée par le sous-secrétariat d’état du service de santé aux Ministère de la guerre dirigé par Justin Godart, aux nombreux travaux qu’engendrait un tel conflit.

C’est ainsi, leurs compétences reconnues, qu’ils participèrent à la prévention des maladies infectieuses en prescrivant de nombreuses mesures sanitaires, dans le domaine de l’assainissement des cantonnements, la désinfection du corps et des équipements, la dératisation, la stérilisation du matériel chirurgical. Ils eurent un rôle important dans la purification des eaux de boissons, permettant ainsi aux soldats de se procurer de l’eau potable.

Grâce aux pharmaciens toxicologues, de nombreuses recherches furent effectuées sur l’empoisonnement des eaux, l’analyse des denrées alimentaires et la répression des fraudes, la bactériologie des plaies de guerre et leur aseptisation et bien sûr dans la lutte contre les gaz de combat. Mais c’est surtout leur rôle en tant qu’hygiénistes qui sera retenu ici.

Le Doyen de la Faculté, Le Président du Jury

Bernard JOLY V. Livrelli.

VI – Bibliographie

Les ouvrages consultée proviennent des archives et de la bibliothèque du musée du Val-de-Grâce, de la bibliothèque de la pharmacie centrale des hôpitaux de Paris, de la bibliothèque de la faculté de pharmacie de Paris, de la thèse de doctorat en pharmacie de M. Maucolot Régis ainsi que de documents personnels.

1) Science et dévouement. Le service de santé –La Croix Rouge- Les œuvres de solidarité de guerre et d’après guerre. Aristide Quillet éditeur 1917. pp 60-67, 71-72, 113-129, 185-193, 279-288.

2) Le pharmacien militaire, son activité mise au service de l’hygiène et de la chimie technique, Paul Bruère, Bulletin des sciences pharmacologiques. Tome 22, 1914, pp 63-67.

3) Au sujet de la pharmacie vétérinaire, Anonyme, Bulletin de sciences pharmacologiques, Tome 21, 1914, pp 53-54

4) Instruction concernant l’utilisation des pharmaciens auxiliaires, Anonyme, Bulletin des intérêts professionnels, Bulletin des sciences pharmacologiques, mai-juin 1918, p 52.

5) Les maladies infectieuses dans l’armée, Dopter, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4ème série, Tome 21, 1914, pp 353-363

6) Histoire de la médecine, pharmacie, de l’art dentaire et de l’art vétérinaire, Société Française d’édition professionnelle et scientifique, Albin Michel, Robert Laffont, Tchou, Tome 8, p 197

7) Bactériologie médicale, Azel Ferron, 15ème édition 1994, édition C. et R., pp 150-153, 179-186, 187-190, 232-237, 258-261, 266-272, 293-296, 282-288, 311-314, 315-317, 333-335.

8) Une épidémie de diphtérie, Guiart et Fortineau, La presse médicale 3 juin 1915, p 199

9) Diphtérie et sérothérapie antidiphtérique chez les troupes en campagne, Anonyme, La presse médicale du 30 mars 1916, p 141.

10) Circulaire du sous-secrétariat d’état au directeur du service de santé de région, carton 158, Archives du Musée du Val-de-Grâce.

11) Note sur les équipes sanitaires, Anonyme, carton 158, Archives du Musée du Val-de-Grâce.

12) Notice d’organisation des cantonnements, Anonyme, carton 159, Archives du Musée du Val-de-Grâce.

13) Hygiène des cantonnements et camps d’instruction, Anonyme, annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4ème série, Tome 25, 1916, pp 108-113.

14) Notions pratiques d’hygiène à l’usage des équipes sanitaires, sous-secrétariat du service de santé au Ministère de la guerre, carton 158, Archives du Musée du Val-de-Grâce.

15) « Conseils au soldat pour sa santé », sous-secrétariat d’état du service de santé au Ministère de la guerre, carton 158, Archives du Musée du Val-de-Grâce.

16) Procédés de désinfection de l’hôpital 78 de Montferrand, des hôpitaux de la place et des trains sanitaires, Ménard, carton 159, Archives du Musée du Val-de-Grâce.

17) La désinfection des armées en campagne et plus spécialement dans les formations sanitaires, J. Lescaux, Bulletin des sciences pharmacologiques, Tome 21, avril 1914, p 217.

18) Désinfection en campagne, Gaillard, Revue scientifique 27 nov. – 4 déc. 1915, carton 159, Archives du Musée du Val-de-Grâce.

19) Revue du Touring-Club de France, voitures de désinfection douche, mars 1918, carton 159, Archives du Musée du Val-de-Grâce.

20) Etude documentaire sur le poste central de stérilisation dans les formations sanitaires des armées, E. Rousseau, Archives de médecine et de pharmacie militaires, 1918, pp 24-37.

21) Destruction des rats dans les tranchées – Résultats d’une première campagne de dératisation dans un secteur de corps d’armée, Cayrel, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4ème série, Tome 26, 1916, pp 50-63.

22) Contribution à l’étude des procédés de javellisation des eaux en campagne, Cayrel, Massy, Piault, Vila, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4ème série, Tome 27, 1917, pp 148-183.

23) L’épuration des eaux en campagne, Dopter, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4ème série, Tome 21, 1914, pp 257-269.

24) Les voitures d’eau potable, Colmet d’Aage, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4ème série, Tome 25, 1916, p 55.

25) Méthode pour rendre pratique l’épuration chimique de l’eau dans les régiments en marche, Garret, Archives de médecine et de pharmacie militaire, Tome 64, 1915, pp 57-61.

26) Procédés pratiques de stérilisation des eaux par les hypochlorites ou la teinture d’iode, Gascard et Laroche, La presse médicale 5 août 1915, p 290.

27) Stérilisation des eaux de boisson par les comprimés d’hypochlorite de calcium, Vincent et Gaillard, journal de pharmacie et de chimie, 7ème série, Tome 11, 1915, pp 271-275

28) Comment doit s’exercer la tactique sanitaire en dehors de corps de troupes, G. Peyronnet de Lafonvielle, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4ème série, Tome 25, 1916, pp 274-279.

29) Technique rapide pour déceler dans l’eau l’existence de poisons minéraux, E. Fleury, journal de pharmacie et de chimie, 7ème série, Tome 12, 1915, pp 215-220.

30) Essais toxicologiques des eaux d’alimentation dans les laboratoires de campagne, F. Martin, Journal de pharmacie et de chimie, 7ème série, Tome 16, 1917, pp 235-240.

31) Quelques incursions dans le domaine militaire en faveur des laboratoires des groupes de brancardiers, bulletin des intérêts professionnels, Bulletin des sciences pharmacologiques, sept-oct. 1918, pp 97-100.

32) Questions militaires : les pharmaciens des troupes coloniales, bulletin des intérêts professionnels, Bulletin des sciences pharmacologiques janv-fev. 1918, pp 12-13.

33) Histoire des médicaments des origines à nos jours, J.C. Dousset, Ed. Payot, pp 255-256.

34) Nouveau procédé pour le traitement des plaies septiques, L. Lematte, La presse médicale 13 mai 1915.

35) L’indispensable hygiénique du combattant, Union Pharmaceutique, juillet 1915.

36) Nouvelle ampoule pour pansements individuels, Vicario, Journal de pharmacie et de chimie, 7ème série, Tome 13, 1915, pp 49-51.

37) Pansements à l’iode naissant solubilisé, Fonzes et Astruc, Journal de pharmacie et de chimie, 7ème série, Tome 11, 1915, pp 123-125.

38) Les pharmaciens dans la guerre de gaz (1914-1918). Généralités. Saillant de Saint-Mihiel, R. Maucolot, pp 205-218.

39) Epidémiologie de la méningite cérébro-spinale, Dopter, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4ème série, Tome 29, 1918, p 207.

40) La prophylaxie de la méningite cérébro-spinale, de la grippe, des fièvres éruptives et des oreillons par la méthode de Vincent, Lefas, La presse médicale 29 juin 1916, p 288.

41) Instruction sur l’hygiène générale des troupes, Direction générale du service de santé, 4 nov. 1914, carton 158, Archives du Musée du Val-de-Grâce.

42) Traitement du typhus exanthématique et du typhus récurent par l’or et l’argent colloïdal, J. Boygues, La presse médicale 7 sept. 1916, p 391-392.

43) Le traitement local de la diphtérie, Ravault et Magne, Archives de médecine et de pharmacie, Tome 70, p 490.

44) La prévention du tétanos par le sérum antitoxique, Vaillard, La presse médicale 7 sept. 1916, pp 393-394.

45) Les infections anaérobies des plaies de guerre, Marquis, Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 4ème série, Tome 26, 1916, pp 75-80.

46) Les questions soulevées par l’épidémie de paludisme à l’armée d’Orient, Armand-Delille, Palaiseau, Lemaire, Revue critique, Annales de médecine IV, p 675.

47) Histoire de la médecine des armées, Tome 3, Lavauzelle, pp 1-30.

LEVY (Christophe) – TITRE : LES PHARMACIENS ET LA PREMIERE GUERRE MONDIALE : PARTICIPATION AUX TRAVAUX D’HYGIENE ET PROPHYLAXIE – 76 f. – ill. – Tabl.

Th. D : Pharm. : Clermont Ferrant 1998 ; n° :

RESUME :

La première partie de cette thèse portera sur l’organisation et le fonctionnement des établissements pharmaceutiques assurant l’approvisionnement des structures sanitaires de l’armée durant la grande guerre. Elle traitera également de l’évolution de ces établissements avec l’accroissement des besoins engendrés par les années de conflit.

Puis sera abordé le changement de conception du rôle du pharmacien chez les dirigeants du service de santé. Cette partie montrera son évolution du stade de simples préparateurs de médicaments à celui de scientifiques compétents aptes à l’exécution de nombreuses tâches techniques et à la direction de postes à responsabilités.

Un rappel sera ensuite fait sur la morbidité provoquée par un certain nombre de pathologies sévissant chez les « poilus » ainsi que sur les différents facteurs pouvant favoriser leur apparition.

Le dernier thème traité concernera plus particulièrement le rôle du pharmacien en tant qu’hygiéniste ainsi que les différents moyens de prophylaxie des maladies mis à sa disposition.

Les divers autres travaux qui leur furent confiés, dont la lutte contre les gaz de combats, seront plus brièvement abordés.

MOTS CLES

- pharmaciens

- première guerre mondiale

- maladies

- prophylaxie,

- équipes sanitaires.

JURY

Président : Mme LIVRELLI Valérie, Maître de conférence, U.F.R. Pharmacie de Clermont-Fd

Membres : M. FIALIP Joseph, Professeur, U.F.R., Pharmacie de Clermont-Fd

M. LAVERAN Henri, Professeur, U.F.R. Médecine de Clermont-Fd

M. JOLY Bernard, Professeur, U.F.R. Pharmacie de Clermont-Fd

Mme PAPON-SOURIS, M.-H., Pharmacien, 63400 Chamalières.

DATE DE SOUTENANCE

25 septembre 1998

ADRESSE DE L’AUTEUR

Place de l’Eglise

58800 CORBIGNY